Agnès Martial, Hélène Belleau

Résumé

Cet ouvrage est né des échanges suscités par une recherche internationale et pluridisciplinaire, portant sur la France, la Belgique, le Québec et la Suisse (ATIP – Action Incitative Jeunes Chercheurs, CNRS, 2006-2008.  » Les partages au sein des couples. Normes et usages de l’argent et des biens dans les nouvelles trajectoires familiales  » – programme coordonné par Agnès Martial). À travers les relations économiques, matérielles et patrimoniales jalonnant les trajectoires familiales contemporaines, dans l’étude de  » transactions intimes  » référant à différents univers normatifs, sociologues et juristes ont analysé ensemble l’évolution de la conjugalité et son articulation à la parentalité. Le principe d’égalité des sexes a redéfini la relation conjugale. La hiérarchie mari, femme et enfant a fait place à une relation contractuelle où homme et femme sont, du point de vue juridique, des sujets indépendants et libres de leur engagement. A l’heure de  » l’individualisation  » des relations familiales, interroger le couple sous l’angle des solidarités conduit cependant à souligner l’importance des liens d’interdépendance noués entre conjoints et parents, et permet d’y réinterroger les rapports de genre, en liant l’analyse des pratiques et des choix privés à celle de la dimension institutionnelle de la vie conjugale. Croisant l’analyse des usages sociaux et sexués de l’argent et des biens et celles des formes de régulation juridique de la mise en couple, de la rupture et de ses implications, les différentes perspectives déployées dans cet ouvrage explorent la notion de « solidarité conjugale « . Différentes temporalités sont ainsi envisagées à travers diverses formes de circulation des ressources : celle du partage de moyens communs de vie et de subsistance, établissant une forme de  » communauté  » conjugale et familiale, celle de la rupture du couple et des partages de biens, de charges et de ressources qui l’accompagnent, et enfin celle de la continuité des relations de conjugalité et de filiation à travers certaines formes de transmission des biens. Moins contraintes, plus électives, les solidarités conjugales y revêtent des formes plurielles et s’adossent à différents univers normatifs. Légitimées par le sentiment amoureux, elles prennent tout leur sens au sein d’une temporalité longue soutenant la réciprocité des échanges conjugaux, où semble se résoudre la tension entre l’exigence d’autonomie individuelle et l’existence d’une communauté solidaire. La précarité contemporaine des devenirs conjugaux en souligne toutefois la fragilité. Présumant de manière croissante l’autonomie et l’égalité des conjoints, l’évolution des règles juridiques entourant les nouvelles trajectoires familiales semble ignorer les asymétries qui traversent la réalité des arrangements noués au sein des couples comme les transactions à l’oeuvre après les séparations. L’étude du devenir des solidarités conjugales au fil des parcours familiaux montre alors que le couple n’est pas réductible à l’association de deux individus négociant leur devenir en toute égalité. L’attention aux inégalités de genre produites par les conditions économiques, sociales et juridiques des itinéraires conjugaux apparaît ainsi comme essentielle, et conduit à interroger la manière dont les politiques familiales permettent aux femmes et aux hommes de redéfinir leurs relations en tant que conjoints, mères et pères, à la croisée des sphères domestiques, économiques et professionnelles. Avec des contributions de Marianne Kempeneers, Jean-Louis Renchon, Hélène Belleau, Caroline Henchoz, Nathalie Baugniet, Alain Roy, Veronika Nagy, Sylvie Cadolle, Muriel Rebourg, Ingrid Voléry, Agnès Martial et Thuy Nam Tran Tran.

Martial, Agnès et Hélène Belleau. Aimer et compter ? Droits et pratiques des solidarités conjugales, Presses de l’université du Québec, 2011, 247 p.