Fauvel, Mylène ; Noiseux, Yanick ; Couspeyre, Ophélie

Résumé

Rédigé par Mylène Fauvel, Yanick Noiseux et Ophélie Couspeyre et élaboré par le GIREPS en partenariat avec le Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA), la Table nationale des Corporations de développement communautaire (TNCDC), l’Observatoire de l’action communautaire autonome (OACA) et le Comité sectoriel de main-d’œuvre Économie sociale et Action communautaire (CSMO-ÉSAC), le rapport de recherche illustre le fait que les interventions gouvernementales, mises en place notamment dans le contexte pandémique, ont contribué à la dévalorisation et à la précarisation des conditions de travail et d’emploi au sein des organismes communautaires. Ces dynamiques se traduisent par l’accroissement de la surcharge de travail et l’épuisement des travailleuses et travailleurs du communautaire.

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Quelques faits saillants

  • Durant la pandémie de la COVID-19, les gouvernements – tant au provincial qu’au fédéral –ont eu recours aux organismes communautaires qu’ils considéraient comme « essentiels » pour répondre aux besoins socio-économiques émergeants et mitiger les répercussions des mesures sanitaires sur les populations vulnérables.

  • L’État n’a pas eu le réflexe de penser aux organismes communautaires lorsqu’est venu le temps de mettre en place des consignes et des directives sanitaires. Ces consignes et directives, arrivées tardivement, étaient bien souvent inadaptées à la réalité des organismes (pratiques et types d’intervention, taille et disponibilités des locaux, etc.).

  • Des fonds d’urgence ont été mis en place pour appuyer les organismes communautaires dans la réalisation de leur mission, pour l’adaptation aux consignes sanitaires et pour le développement de nouveaux services et activités. Ces fonds étaient toutefois presque toujours non récurrents et orientés vers les priorités gouvernementales, le plus souvent accompagnés de lourds processus de demandes de financement et/ou de redditions de compte. Ces fonds n’ont pas permis d’améliorer de manière pérenne les conditions de travail dans les organismes communautaires et ont posé des enjeux quant au respect de l’autonomie des organismes communautaires dans l’identification de leurs priorités d’action.

  • Les gouvernements, tant provincial que fédéral, ont joué un rôle actif pour aiguiller des chômeur·euse·s pandémiques, des jeunes et des étudiant·e·s vers les organismes communautaires afin qu’ils et elles y effectuent un travail gratuit ou quasi gratuit, alors qu’on a généralement opté pour des emplois rémunérés ou à différentes primes dans d’autres secteurs d’activités.

  • La gestion de la crise sanitaire par l’État a contribué à dévaloriser et à précariser le travail effectué dans le secteur communautaire, notamment en mobilisant des discours s’appuyant sur une rhétorique de la vocation et du « don de soi » pour répondre aux besoins de maind’oeuvre dans le secteur.

  • Les remerciements et, plus largement, la reconnaissance symbolique de l’État ne sont pas accompagnés d’une reconnaissance concrète et par l’octroi de financement conséquent répondant aux besoins exprimés par le secteur communautaire. Cette situation a mené à l’indignation de nombreux travailleurs et travailleuses du secteur plus que jamais confronté·e·s aux doubles standards, notamment lorsqu’ils et elles côtoyaient du personnel du réseau public pour accomplir des tâches similaires.

  • La surcharge de travail et l’épuisement professionnel dans les organismes communautaires a atteint un « point de rupture » et de non-retour durant la pandémie, et ce en raison d’une surcharge accrue de travail découlant notamment des tâches excédentaires liées au recrutement, à l’accompagnement et à l’encadrement des bénévoles. Le contexte de délestage et les répercussions délétères liées au caractère inadapté de certaines directives et mesures sanitaires aux réalités des populations les plus vulnérables ont également contribué à accroître la détresse émotionnelle des travailleur·euse·s du secteur communautaire.

  • Durant la pandémie, une partie du mouvement communautaire autonome a mis en place des stratégies pour améliorer – ponctuellement ou à plus long terme – les conditions de travail et d’emploi dans le secteur. Ces améliorations semblent toutefois avoir été justifiées non pas par une volonté de mieux reconnaître « en soi » le travail qui s’y accomplit, mais plutôt par des logiques gestionnaires de recrutement et/ou de rétention de personnel en contexte de rareté de main-d’oeuvre. Les enjeux liés à la multiplication des statuts d’emploi et à la précarité exacerbée par des statuts non permanents et/ou à temps partiel n’ont que trop rarement été pris en compte.

  • Certaines des stratégies de gestion mises en place ont eu des répercussions négatives pour les travailleur·euse·s, et ce même si celles-ci ont pu être instaurées dans une logique de solidarité entre organismes (comme le prêt de personnel). La flexibilité d’horaire, notamment au début de la pandémie, bien que souvent justifiée par un souci de bienveillance, a pu avoir des effets indésirables : accroissement du travail gratuit, double journée de travail en raison des exigences familiales et la porosité des « frontières » entre le temps de travail et le temps personnel.

  • En raison des particularités liées au contexte pandémique, mais aussi aux modalités des consignes sanitaires et de certains choix de gestion, un glissement vers des approches individualisées a pu être constaté, contrastant avec les approches et pratiques traditionnellement mises en place dans les organismes communautaires. Cela peut constituer un enjeu pour le recrutement et la rétention du personnel, lequel ne se reconnaît alors plus dans la façon de mener leurs activités de travail.