Lancement de l’axe de recherche partenariale/engagée du GIREPS sur la transition socio-écologique

Le vendredi 10 mai 2024, le Groupe interuniversitaire et interdisciplinaire de recherche sur l’emploi, la pauvreté et la protection sociale (GIREPS), en collaboration avec l’organisme Relais-femmes, a organisé un premier séminaire portant sur la transition socio-écologique. Cette note résume les discussions ayant eu cours lors de l’événement.

Compte-rendu

Christophe Cinq-Mars

Chroniques des conflits du travail no. 2 : grèves chez Olymel

Les chroniques des conflits de travail (CCT) consistent à documenter l’histoire, les revendications, les actions et les enjeux, notamment juridiques, de conflits du travail, passés ou présents. Par là, elles veulent contribuer à alimenter les recherches sur les pratiques de résistance et de mobilisations collectives des travailleurs et des travailleuses en lutte contre l’exploitation. En avril 2021, les 1050 employé·e·s de l’usine d’abattage de porcs d’Olymel à Vallée-Jonction, en Beauce, déclarent la grève illimitée. Cette grève, qui durera plus de quatre mois, a mis à l’avant-plan bon nombre d’enjeux qui débordent de ce secteur d’activité: précarisation de l’emploi, stratégies antisyndicales, désindustrialisation, réalités du travail en région et en milieu rural. Dans un contexte d’érosion du syndicalisme dans le secteur privé et d’individualisation du rapport au travail, le cas « Olymel » permet de dépeindre l’expérience d’un conflit de travail récent impliquant des salarié·e·s à temps plein en « usine » – norme typique du régime fordiste –, autant dans ses gains que dans ses inévitables difficultés.

Chroniques du travail

Félix Beauchemin

Chronique des conflits de travail no.1 : Grèves à la SQDC

Les chroniques des conflits de travail (CCT) consistent à documenter des conflits du travail présents ou passés. Elles compilent des informations sur l’histoire, les revendications, les actions, les enjeux juridiques des luttes susceptibles d’alimenter des recherches sur les résistances et d’actions collectives des travailleurs et des travailleuses contre l’exploitation. La grève de la Société Québécoise du Cannabis (SQDC) fut l’une des plus longues grèves de ces dernières années, au Québec1. Pendant 17 mois, environ 300 travailleurs et travailleuses affilié·e·s à la FTQ ont multiplié les moyens de pression, piqueté devant les succursales, en hiver comme en été, pour tenter d’obtenir une augmentation de salaire, une amélioration de leurs conditions de travail et pour lutter contre la précarité des surnuméraires. Durant toute la durée du conflit, la SQDC a tenté de diviser les syndiqué·e·s, rejeté leurs revendications, suspendu des dizaines de travailleur·euse·s pour avoir refusé de porter l’uniforme réglementaire, multiplié les procédures judiciaires et recouru à des briseurs de grève. Cette note revient sur cette lutte, en retraçant brièvement l’émergence de la toute jeune société d’État et ses objectifs (1). Elle aborde ensuite la « bataille intersyndicale » que se sont livrées les deux plus grandes centrales syndicales (FTQ et CSN) pour tenter de syndiquer les travailleurs et travailleuses des succursales qui, à partir de 2018, s’ouvrent progressivement un peu partout au Québec (2). La partie suivante retrace de manière chronologique les principaux évènements qui ont marqué la grève (3). En conclusion, nous présenterons quelques pistes de réflexion (4)

Chroniques du travail

Anthony Desbiens et Martin Gallié

Conditions de travail et d’emploi dans le mouvement communautaire : enquête sur les répercussions des politiques publiques et des pratiques de gestion en temps de pandémie

Rédigé par Mylène Fauvel, Yanick Noiseux et Ophélie Couspeyre et élaboré par le GIREPS en partenariat avec le Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA), la Table nationale des Corporations de développement communautaire (TNCDC), l’Observatoire de l’action communautaire autonome (OACA) et le Comité sectoriel de main-d’œuvre Économie sociale et Action communautaire (CSMO-ÉSAC), le rapport de recherche illustre le fait que les interventions gouvernementales, mises en place notamment dans le contexte pandémique, ont contribué à la dévalorisation et à la précarisation des conditions de travail et d’emploi au sein des organismes communautaires. Ces dynamiques se traduisent par l’accroissement de la surcharge de travail et l’épuisement des travailleuses et travailleurs du communautaire. Télécharger le rapport complet Quelques faits saillants Durant la pandémie de la COVID-19, les gouvernements – tant au provincial qu’au fédéral –ont eu recours aux organismes communautaires qu’ils considéraient comme « essentiels » pour répondre aux besoins socio-économiques émergeants et mitiger les répercussions des mesures sanitaires sur les populations vulnérables. L’État n’a pas eu le réflexe de penser aux organismes communautaires lorsqu’est venu le temps de mettre en place des consignes et des directives sanitaires. Ces consignes et directives, arrivées tardivement, étaient bien souvent inadaptées à la réalité des organismes (pratiques et types d’intervention, taille et disponibilités des locaux, etc.). Des fonds d’urgence ont été mis en place pour appuyer les organismes communautaires dans la réalisation de leur mission, pour l’adaptation aux consignes sanitaires et pour le développement de nouveaux services et activités. Ces fonds étaient toutefois presque toujours non récurrents et orientés vers les priorités gouvernementales, le plus souvent accompagnés de lourds processus de demandes de financement et/ou de redditions de compte. Ces fonds n’ont pas permis d’améliorer de manière pérenne les conditions de travail dans les organismes communautaires et ont posé des enjeux quant au respect de l’autonomie des organismes communautaires dans l’identification de leurs priorités d’action. Les gouvernements, tant provincial que fédéral, ont joué un rôle actif pour aiguiller des chômeur·euse·s pandémiques, des jeunes et des étudiant·e·s vers les organismes communautaires afin qu’ils et elles y effectuent un travail gratuit ou quasi gratuit, alors qu’on a généralement opté pour des emplois rémunérés ou à différentes primes dans d’autres secteurs d’activités. La gestion de la crise sanitaire par l’État a contribué à dévaloriser et à précariser le travail effectué dans le secteur communautaire, notamment en mobilisant des discours s’appuyant sur une rhétorique de la vocation et du « don de soi » pour répondre aux besoins de maind’oeuvre dans le secteur. Les remerciements et, plus largement, la reconnaissance symbolique de l’État ne sont pas accompagnés d’une reconnaissance concrète et par l’octroi de financement conséquent répondant aux besoins exprimés par le secteur communautaire. Cette situation a mené à l’indignation de nombreux travailleurs et travailleuses du secteur plus que jamais confronté·e·s aux doubles standards, notamment lorsqu’ils et elles côtoyaient du personnel du réseau public pour accomplir des tâches similaires. La surcharge de travail et l’épuisement professionnel dans les organismes communautaires a atteint un « point de rupture » et de non-retour durant la pandémie, et ce en raison d’une surcharge accrue de travail découlant notamment des tâches excédentaires liées au recrutement, à l’accompagnement et à l’encadrement des bénévoles. Le contexte de délestage et les répercussions délétères liées au caractère inadapté de certaines directives et mesures sanitaires aux réalités des populations les plus vulnérables ont également contribué à accroître la détresse émotionnelle des travailleur·euse·s du secteur communautaire. Durant la pandémie, une partie du mouvement communautaire autonome a mis en place des stratégies pour améliorer – ponctuellement ou à plus long terme – les conditions de travail et d’emploi dans le secteur. Ces améliorations semblent toutefois avoir été justifiées non pas par une volonté de mieux reconnaître « en soi » le travail qui s’y accomplit, mais plutôt par des logiques gestionnaires de recrutement et/ou de rétention de personnel en contexte de rareté de main-d’oeuvre. Les enjeux liés à la multiplication des statuts d’emploi et à la précarité exacerbée par des statuts non permanents et/ou à temps partiel n’ont que trop rarement été pris en compte. Certaines des stratégies de gestion mises en place ont eu des répercussions négatives pour les travailleur·euse·s, et ce même si celles-ci ont pu être instaurées dans une logique de solidarité entre organismes (comme le prêt de personnel). La flexibilité d’horaire, notamment au début de la pandémie, bien que souvent justifiée par un souci de bienveillance, a pu avoir des effets indésirables : accroissement du travail gratuit, double journée de travail en raison des exigences familiales et la porosité des « frontières » entre le temps de travail et le temps personnel. En raison des particularités liées au contexte pandémique, mais aussi aux modalités des consignes sanitaires et de certains choix de gestion, un glissement vers des approches individualisées a pu être constaté, contrastant avec les approches et pratiques traditionnellement mises en place dans les organismes communautaires. Cela peut constituer un enjeu pour le recrutement et la rétention du personnel, lequel ne se reconnaît alors plus dans la façon de mener leurs activités de travail.    

Rapport de recherche

Fauvel, Mylène ; Noiseux, Yanick ; Couspeyre, Ophélie

Femmes et assistance sociale : le poids des charges familiales

Les chercheurs et chercheuses Normand Landry et Marie-Josée Dupuis, tou·te·s deux membres du GIREPS, ont publié un article sur la réalité des femmes assistées sociales dans le dernier bulletin de liaison de la Fédération des associations des familles monoparentales et recomposées au Québec (FAFMRQ).  Les Québécois·e·s entretiennent des opinions durablement négatives à l’égard des personnes assistées sociales. Peu de gens le savent, mais la condition sociale est, chez nous, un motif de discrimination plus important que l’origine ethnique, l’orientation sexuelle, ou la religion pratiquée1 . Il est bien établi que les personnes en situation de pauvreté font face à un profond stigmate qui se traduit par des discriminations et des exclusions multiples, notamment dans l’accès au logement, à l’emploi, à des soins de santé et à des lieux de loisir. Dans ce cadre, la figure de « l’assisté social » est considérée être une catégorie particulièrement peu méritoire de personnes en situation de pauvreté. Le jugement des Québécois-e-s à leur égard est sans appel; dans le cadre des sondages que nous avons menés, nos répondants ont jugé adéquat que l’État québécois verse aux personnes assistées sociales jugées «aptes à l’emploi» des prestations si faibles que celles-ci ne peuvent imaginer sortir de la pauvreté2 . Au plus fort de la crise pandémique, au cœur du premier confinement généralisé au Québec, alors que la fermeture ou les restrictions à l’accès à des services de base pour les personnes en situation de pauvreté étaient largement restreint, les Québécois-e-s ont considéré les personnes assistées sociales comme étant moins méritoires d’une aide d’urgence de l’État que les grandes entreprises3 . Ce jugement extrêmement très sévère s’inscrit dans un contexte où la couverture médiatique de l’assistance sociale est famélique au Québec, et où les interlocuteurs de choix privilégiés par les journalistes pour traiter d’assistance sociale sont les hommes et les femmes politiques, au détriment des acteurs des milieux communautaires. La table ainsi mise, nous pouvons légitimement nous poser des questions importantes : entend-on les voix, les discours, les points de vue des personnes assistées sociales au Québec ? Qu’ont-elles à nous dire sur leurs vies, leurs trajectoires et leurs vécus ?

Marie-Josée Dupuis et Normand Landry

Document de recommandations : Mobiliser pour la santé et la sécurité du travail dans les entrepôts : des travailleurs et travailleuses d’agences au taylorisme numérique

Le présent document présente les recommandations faisant suite au rapport de recherche Mobiliser pour la santé et la sécurité du travail dans les entrepôts : des travailleurs et travailleuses d’agences au taylorisme numérique. Ces recommandations ont été formulées dans les suites d’une recherche partenariale, dans le but d’améliorer les conditions de travail, d’emploi et de santé et de sécurité qui ont été documentées dans le rapport intitulé Mobiliser pour la santé et la sécurité du travail dans les entrepôts : des travailleurs et travailleuses d’agences au taylorisme numérique. Elles se déclinent en quatre sections : l’emploi, le travail, la santé et la sécurité du travail et les politiques d’immigration et d’accueil des travailleurs et travailleuses nouvellement arrivés au Québec.  

L’équipe de recherche : Geneviève Baril-Gingras, Raphaëlle Bruyère, Christophe Cinq-Mars, Martine D’Amours, Laurence Hamel-Roy, Mostafa Henaway, Simone Lemieux-Bourque, Yanick Noiseux, Manuel Salamanca Cardona et Cheolki Yoon et Le comité aviseur : Chetan Singh Rajpurohit, Gaurav Sharma, Jacques Dago, Manuel Tapia, Ibrahim Alsahary, Assia Malinova, ainsi qu’un travailleur ayant demandé de préserver son anonymat

Rapport de recherche : Mobiliser pour la santé et la sécurité du travail dans les entrepôts : des travailleurs et travailleuses d’agences au taylorisme numérique

Le présent rapport résume le cheminement et les résultats d’une étude menée entre janvier 2022 et août 2023 sur les conditions d’emploi et de travail, en particulier de santé et de sécurité, dans les entrepôts de Dollarama et d’Amazon de la grande région de Montréal. Il contient six sections. La première présent le projet de recherche et sa problématique, ainsi que la méthodologie de recherche-action adoptée. Les deuxième section brosse un bref portrait des deux entreprises étudiées et des transformations du secteur de l’entreposage dans lesquelles elles s’inscrivent. Les troisième, quatrième et cinquième sections présentent les principaux constats de la recherche concernant respectivement les caractéristiques de la main-d’oeuvre, les conditions d’emploi et les conditions de travail dans les entrepôts des deux entreprises dans la région de Montréal. Un encart portant sur l’analyse des signalements de situations dangereuses (des plaintes) et des rapports d’intervention des inspecteurs de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) concernant ces deux entreprises complète le rapport d’enquête. La section 7 contient quelques pistes d’action issues de la recherche, dans le but d’améliorer les conditions de travail et d’emploi des travailleurs et travailleuses d’entrepôts. Le rapport est aussi disponible sur le site web du CTI

Rapport de recherche

Hamel-Roy, Laurence, D’Amours, Martine, et Baril-Gingras, Geneviève, Bruyère, Raphaëlle, Cinq-Mars, Christophe, Henaway, Mostafa, Lemieux-Bourque, Simone, Noiseux, Yanick, Salamanca Cardona, Manuel et Yoon, Cheolki

17 constats sur la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale au Québec : retour sur les dix années de recherches menées au GIREPS

Malgré la mise en place de trois plans de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale depuis l’adoption, en 2002, de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, force est de constater que l’évolution des politiques publiques et de l’encadrement législatif des activités économiques a trop souvent transformé la lutte contre la pauvreté en lutte contre les pauvres. Dans ce contexte, pour les chercheurs et chercheuses du GIREPS, un important coup de barre est nécessaire. Pour mener à bien un tel revirement, il nous apparaît absolument essentiel d’élargir la réflexion afin d’adopter une véritable approche multidimensionnelle de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Ainsi, par-delà l’octroi de ressources financières réellement conséquentes afin d’assurer sa mise en œuvre, le quatrième plan de lutte contre la pauvreté doit aussi s’appuyer sur l’élaboration d’un agenda législatif cohérent, lequel ne viendra pas, à rebours, saper les orientations et les mesures qui y sont développées. L’expérience récente nous apprend que cela est trop souvent le cas. La lutte contre la pauvreté passe aussi, et c’est à notre avis un élément clé, par le renforcement des dispositions législatives et les mesures de soutien facilitant l’organisation des luttes menées par les personnes en situation de vulnérabilité et des groupes actifs dans la défense collective des droits. Les dix-sept constats — certains généraux et d’autres plus particuliers — présentés dans les pages suivantes visent à poser quelques balises en ce qui a trait aux orientations et mesures à inclure dans le cadre du prochain plan de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Ces constats, s’appuyant notamment sur les travaux de recherche menés par ses chercheurs et chercheuses au cours des dernières années, sont centrés sur les champs d’expertise du GIREPS, c’est-à-dire autour de l’emploi, de la protection sociale, les liens entre travail et immigration ainsi que sur le logement, mais il va de soi qu’ils n’épuisent pas la problématique de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Nous nous sommes le plus souvent abstenus de formuler des recommandations précises, préférant laisser le champ libre à celles qui émanent des personnes en situation de pauvreté et des différents groupes sociaux engagés sur le terrain. Nous faisons plutôt nôtre l’un des préalables inscrits dans le mémoire déposé par le Collectif pour un Québec sans pauvreté (CQSP) dans le cadre de ces consultations. En somme, il nous apparaît impératif, par-dessus tout, « [d’] écouter les personnes en situation de pauvreté et les organisations qui les représentent pour mieux comprendre leur réalité, puis tenir compte de leurs propositions et les impliquer autant dans l’élaboration que dans la mise en œuvre des mesures de lutte contre la pauvreté ». Pour aller au-delà du « partenariat à deux », sans cesse plus étroit au cours des dernières décennies, entre le milieu des affaires et nos gouvernements, nous invitons par ailleurs les responsables de l’élaboration du plan de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale à prendre acte de l’importante contribution des chercheurs et chercheuses en sciences sociales engagé·e·s dans des recherches menées en partenariat avec le milieu ; les membres du GIREPS ne représentant qu’une partie d’entre elles et eux.

Yanick Noiseux, Jean-François Filiatrault, Cheolki Yoon, Christophe Cinq-Mars, Jean François Bissonnette, Laurence Hamel Roy, Martine D’Amours, Marie-Hélène Deshaies, Martin Gallié, Jill Hanley, Mylène Fauvel, Rabih Jamil, Normand Landry

Repolitiser le travail, travail précaire et action collective : vers quelle transition? Bilan critique entre les acteurs sociaux

Samedi le 20 mai, dans le cadre de l’évènement La Grande Transition : Lutter en temps de crise globale, a eu lieu une discussion organisée par des chercheur·euse·s affilié·e·s au GIREPS et portant sur l’action collective des travailleur·euse·s précaires au Québec. Les échanges ont été animés par Manuel Salamanca Cardona (CTI) et Yanick Noiseux (UdeM).

Compte-rendu

Simone Lemieux-Bourque

Les mères monoparentales et la protection sociale fiscale

La stratégie de fiscalisation de la protection sociale repose essentiellement sur deux variables : la composition du ménage et le revenu tiré de n’importe quel emploi ou activité rémunérée et déclarée. La fiscalisation du social nous invite à croire qu’avec de l’argent dans nos poches, tous nos besoins sont comblés et qu’il suffit de payer. Cette stratégie redistributive fait peu de cas du sort des femmes sur le marché du travail et de celui que le marché du travail réserve aux femmes. Mais la citoyenneté des femmes, et particulièrement de celles qui sont plus vulnérables ou victimes de discrimination, n’est pas qu’une affaire de pouvoir d’achat. La recherche a depuis longtemps démontré que l’égalité et la sortie des femmes de la pauvreté dépendent de la qualité et de la disponibilité des services publics : les garderies, le logement, par exemple. Isoler les finances personnelles du débat sur la pleine citoyenneté des femmes ne suffit pas. Les trois situations qui illustrent ce que représente dans la vie des femmes, et plus particulièrement des femmes monoparentales qui travaillent, la fiscalisation du social, sont suivies d’une proposition concernant les composantes de l’emploi de qualité. Afin de mieux répondre à la question de savoir s’il vaut la peine de travailler, nous proposons douze critères pour évaluer la qualité d’un emploi. Les droits des femmes à la dignité, au revenu décent et à l’emploi de qualité sont intimement liés et le respect du droit des femmes au travail participe au respect de tous leurs autres droits. Nous ne prétendons pas que les femmes peuvent se payer le luxe de n’accepter qu’un emploi de qualité. Nous ne nions pas non plus que l’emploi contribue à l’empowerment des femmes. Mais nous croyons que les critères de l’emploi de qualité fournissent des repères afin d’évaluer le potentiel de violations de droits à la clé des mesures de fiscalisation du social. En effet, il n’est pas impossible que « les chèques des gouvernements » enferment les femmes dans des emplois de moindre qualité qui renforcent les rapports inégalitaires de genre et de classe. Ce qui est certain, c’est que les chèques du gouvernement ne bonifient en rien le travail des femmes. Faut-il s’en satisfaire alors que d’autres besoins imposent une attention urgente : le logement, les garderies, les transports ? Comment réconcilier transition en emploi même dans des emplois de moindre qualité bonifiés par des aides fiscales, et les avantages de l’intégration en emploi pour les femmes ?

Cahier de transfert de connaissances

Marie-Pierre Boucher, Lucie Lamarche, Olivier Gentil et Corynne Laurence-Ruel