Auteur(s)
Marie-Pierre Boucher, Lucie Lamarche, Olivier Gentil et Corynne Laurence-Ruel
Résumé
La stratégie de fiscalisation de la protection sociale repose essentiellement sur deux variables : la composition du ménage et le revenu tiré de n’importe quel emploi ou activité rémunérée et déclarée.
La fiscalisation du social nous invite à croire qu’avec de l’argent dans nos poches, tous nos besoins sont comblés et qu’il suffit de payer. Cette stratégie redistributive fait peu de cas du sort des femmes sur le marché du travail et de celui que le marché du travail réserve aux femmes. Mais la citoyenneté des femmes, et particulièrement de celles qui sont plus vulnérables ou victimes de discrimination, n’est pas qu’une affaire de pouvoir d’achat. La recherche a depuis longtemps démontré que l’égalité et la sortie des femmes de la pauvreté dépendent de la qualité et de la disponibilité des services publics : les garderies, le logement, par exemple. Isoler les finances personnelles du débat sur la pleine citoyenneté des femmes ne suffit pas.
Les trois situations qui illustrent ce que représente dans la vie des femmes, et plus particulièrement des femmes monoparentales qui travaillent, la fiscalisation du social, sont suivies d’une proposition concernant les composantes de l’emploi de qualité. Afin de mieux répondre à la question de savoir s’il vaut la peine de travailler, nous proposons douze critères pour évaluer la qualité d’un emploi.
Les droits des femmes à la dignité, au revenu décent et à l’emploi de qualité sont intimement liés et le respect du droit des femmes au travail participe au respect de tous leurs autres droits. Nous ne prétendons pas que les femmes peuvent se payer le luxe de n’accepter qu’un emploi de qualité. Nous ne nions pas non plus que l’emploi contribue à l’empowerment des femmes. Mais nous croyons que les critères de l’emploi de qualité fournissent des repères afin d’évaluer le potentiel de violations de droits à la clé des mesures de fiscalisation du social. En effet, il n’est pas impossible que « les chèques des gouvernements » enferment les femmes dans des emplois de moindre qualité qui renforcent les rapports inégalitaires de genre et de classe. Ce qui est certain, c’est que les chèques du gouvernement ne bonifient en rien le travail des femmes.
Faut-il s’en satisfaire alors que d’autres besoins imposent une attention urgente : le logement, les garderies, les transports ? Comment réconcilier transition en emploi même dans des emplois de moindre qualité bonifiés par des aides fiscales, et les avantages de l’intégration en emploi pour les femmes ?