Auteur(s)
Loïc Malhaire et Yanick Noiseux
Résumé
*** Version abrégée du cahier de recherche ***
Les catégories les plus affectées statistiquement par la pauvreté et la
précarité en emploi – les femmes, les minorités racialisées, les immigrant∙e∙s et les jeunes (Picot et al. 2005, 2007; Ulysse 2006, 2013; Yerochevski 2014) – montrent que le régime néolibéral renforce les rapports sociaux de domination basés sur le genre, la race, le statut administratif ou l’âge. Dans ce contexte, les immigrant∙e∙s se retrouvent dans différents régimes administratifs qui conditionnent de manière différenciée leur accès à des emplois de qualité, au droit du travail, aux droits sociaux ou aux droits humains, selon qu’elles et ils soient immigrant∙e∙s permanent∙e∙s, en attente de la citoyenneté canadienne, demandeurs et demandeuses d’asile, réfugié∙e∙s, migrant∙e∙s temporaires, visiteur∙e∙s, étudiant∙e∙s ou sanspapiers. Cette situation fait notamment écho à la transformation des politiques canadiennes d’immigration qui furent de plus en plus articulées au recrutement de maind’oeuvre depuis les années 1970 et plus encore à la fin des années 2000 autour des besoins à court terme du marché du travail (Piché 2009, Alboim et Cohl 2012). La limitation de l’accès à l’installation permanente et à la citoyenneté engendre par ailleurs une diversité d’expériences migratoires générant des espaces de non-droit et incitant les personnes à rejoindre le marché informel du travail et/ou à rester sur le territoire sans y être légalement autorisées.
La syndicalisation et, plus largement, l’organisation collective peuvent être un rempart contre la précarisation. Or, la segmentation des marchés du travail, la centrifugation de l’emploi vers les marchés périphériques du travail et la fragmentation des collectifs de travailleurs∙euses contribuent à l’usure du modèle syndical traditionnel construit autour de l’idée d’une classe ouvrière homogène, modèle qui n’est plus en phase avec la nouvelle organisation du travail. Comment faire converger les aspirations et les besoins pluriels d’une classe travaillante éclatée et segmentée dans ce nouveau contexte? Quels sont les défis posés par la dynamique de flexibilisation du travail et la prolifération du travail atypique sur la théorie et les pratiques d’organisation collective de la classe ouvrière? Comment identifier les nouveaux acteurs collectifs qui surgissent de ces processus de manière à réfléchir sur leurs éventuelles capacités de mobilisation?
En appréhendant l’action syndicale à partir de la marge, c’est à ces
questions de plus en plus posées par les sociologues du travail (Moulier Boutang 1998 ; Yates 2004 ; Standing 2011, etc.) que cherche à répondre le projet de recherche mené dans le cadre des activités du Groupe de recherche interuniversitaire et interdisciplinaire de recherche sur l’emploi, la pauvreté et la protection sociale (GIREPS) et au sein duquel s’inscrit cette étude de cas portant sur l’Association des travailleurs et travailleuses d’agences de placement (ATTAP) mis en place par les membres du Centre des travailleuses et travailleurs immigrants (CTI-IWC)
Malhaire, Loïc et Yanick Noiseux. « S’organiser à la marge : Le cas de l’Association des travailleurs et travailleuses d’agences de placements (ATTAP) » Cahiers du GIREPS, No. 10, Québec, 2019, 49 p., [en ligne] <https://www.gireps.org/wp-content/uploads/2019/08/Cahier_GIREPS_no_10_Malhaire_Noiseux_2019.pdf>