Constitutionnalisation du droit du travail et transformation du devoir de représentation syndicale: quelques questionnements concernant les clauses orphelin

Les protections des travailleurs contre la discrimination au travail se sont accrues au cours des derrières décennies et prennent maintenant assises dans une multiplicité de sources juridiques. Toutefois, la constitutionnalisation du droit et la coexistence de conceptions différenciées et parfois difficilement conciliables de la discrimination bouleversent les rapports collectifs. Par une analyse comportant des dimensions socio-juridiques et empiriques, les auteures cherchons à mieux saisir les auxquels font face les syndicats dans l’application de la norme d’égalité.  À partir de l’étude de la jurisprudence et de deux études de cas ou des syndicats ont accepté l’introduction dans leurs conventions collectives de clauses « orphelin », des clauses de disparités salariales en fonction de la date d’embauche, elles discuteront de la transformation du devoir syndical de représentation et soulèveront des questionnements sur l’efficacité du droit en matière de lutte contre la discrimination dans les milieux de travail syndiquées. Gagné, Diane et Marie-Josée Dupuis. « Constitutionnalisation du droit du travail et transformation du devoir de représentation syndicale : quelques questionnements concernant les clauses ‘orphelin’ » Canadian Lab. & Emp. LJ, vol. 20, 2017, p. 1.

Articles scientifiques

Diane Gagné, Marie-Josée Dupuis

Les zones grises du travail

Ce numéro thématique est consacré à la notion de « zone grise du travail » conçue comme un outil d’analyse et de comparaison des transformations des relations d’emploi et des mondes professionnels. Cette notion renvoie à la multiplicité et à l’hétérogénéité des relations d’emploi où les rapports employés/employeurs devenus complexes, parfois illisibles, ont changé de nature dans de nombreux espaces du travail en ce sens qu’ils se sont émancipés des formes traditionnelles de régulation institutionnelle. Il ne s’agit pas seulement ici de caractériser le postfordisme ou les nouvelles figures du rapport institutionnel Travail/État/Capital qu’il a façonnés dans le capitalisme postindustriel. Siino, Corinne et Sid Ahmed Soussi. « Zones grises du travail au Nord et au Sud : dynamique de globalisation ou logiques locales ? », Siino, Corinne et Sid Ahmed Soussi (dir.), Revue Interventions économiques, no. 58, 2017.

Articles scientifiques, Direction de numéro de revue

Sous la direction de Corinne Siino et Sid Ahmed Soussi

Quand le droit conforte les stratégies syndicales reproduisant les arrangements institutionnels sources de discrimination systémique

Cet article présente un cas de mobilisation contre les discriminations systémiques envers des travailleuses procurant des services d’assistance aux personnes (en anglais, care-workers), en grande majorité Noires et Haïtiennes, qui occupent des emplois aux normes dégradées dans des agences de placement fournissant du personnel pour un seul organisme parapublic. À l’intersection des mutations en cours dans la gestion de la main-d’oeuvre et de la réorganisation de la prise en charge des services d’assistance aux personnes, ce cas est représentatif de la façon dont se redessinent les frontières de la relation d’emploi. Les travailleuses mobilisées étant syndiquées, il permet aussi d’explorer un éventail d’attitudes syndicales.Une stratégie syndicale prédomine : elle consiste à défendre ou gérer la négociation collective institutionnalisée. Elle est encouragée par un ensemble d’institutions qui produisent des constructions contradictoires des enjeux d’égalité et du problème des discriminations. Si ces arrangements institutionnels ouvrent une brèche aux « innovations » patronales et confortent l’adoption de stratégies syndicales visant à préserver la relation bilatérale d’emploi, cet article soutient que cette stratégie est aussi symptomatique de la vision moniste avec laquelle les syndicats abordent l’effritement du modèle dominant de la relation d’emploi, en le réduisant aux conflits d’intérêts entre employeurs et travailleurs. Or, cet effritement est aussi le résultat des réorganisations mutuelles et réciproques des différentes formes sociales de division du travail entre classes, sexes et races. Mais en ne s’interrogeant pas sur ce qui a fondé le compromis de la société salariale, soit la minoration ou l’exclusion de groupes de populations de la norme d’emploi à temps plein et permanent, les syndicats accordent la priorité à des stratégies qui participent, comme l’illustre le cas choisi, si ce n’est à la création de normes discriminatoires, du moins, à la légitimation de frontières entre ceux qui ont accès à des emplois de qualité et les autres. Yerochewski, Carole et Diane Gagné. « Quand le droit conforte les stratégies syndicales reproduisant les arrangements institutionnels sources de discrimination systémique », Relations industrielles, vol. 72, no. 3, été 2017, p. 551–573.

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Carole Yerochewski, Diane Gagné

La défense des droits des travailleuses et travailleurs. Enjeux et défis d’une mobilisation collective à Montréal

Résumé L’article explore les enjeux de deux campagnes de mobilisation réalisées au Centre des travailleuses et travailleurs immigrants (CTI), auprès de personnes (1) immigrantes permanentes insérées en agence de placement et (2) migrantes temporaires. À partir de données collectées par participation observante et complétées par des entretiens semi-directifs, nous restituons une chronologie des deux actions collectives dont nous analysons les défis et les stratégies. Les résultats montrent que ces deux mobilisations constituent des réponses alternatives et complémentaires à des syndicats inopérants pour rejoindre la main-d’oeuvre précaire immigrante. Premièrement, le CTI offre les ressources humaines et matérielles nécessaires pour le développement du leadership des personnes qui deviennent sujet de droit et acteur de leur lutte. Cette dimension citoyenne semble d’ailleurs tout aussi importante pour les travailleurs que l’amélioration de leurs conditions matérielles de travail. De plus, les deux campagnes montrent une complémentarité entre la défense individuelle et collective de la main-d’oeuvre. D’autre part, les collaborations menées avec un syndicat révèlent un rapprochement stratégique entre deux organisations dont les ressources et les expertises sont complémentaires, renforçant aussi la légitimité du CTI. Cependant, l’engagement communautaire du syndicat reste marginal et produit des effets limités quant aux résultats des campagnes et à la possibilité de transformer profondément ses pratiques. Enfin, l’informalité des rapports de travail qui concernent les deux catégories d’immigrants, oblige à composer avec des moyens tout aussi informels pour appuyer leur organisation, rendant nécessaire le réseautage communautaire, religieux et culturel. Mots-clés : Travailleuses/travailleurs précaires, immigrants permanents, migrants temporaires, organisation communautaire,  défense collective, syndicats.

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Loïc MALHAIRE, Lucio CASTRACANI et Jill HANLEY

La défense des droits des travailleuses et travailleurs, enjeux et défis d’une mobilisation collective à Montréal

L’article explore les enjeux de deux campagnes de mobilisation réalisées au Centre des travailleuses et travailleurs immigrants (CTI), auprès de personnes (1) immigrantes permanentes insérées en agence de placement et (2) migrantes temporaires. À partir de données collectées par participation observante et complétées par des entretiens semidirectifs, nous restituons une chronologie des deux actions collectives dont nous analysons les défis et les stratégies. Les résultats montrent que ces deux mobilisations constituent des réponses alternatives et complémentaires à des syndicats inopérants pour rejoindre la maind’œuvre précaire immigrante. Premièrement, le CTI offre les ressources humaines et matérielles nécessaires pour le développement du leadership des personnes qui deviennent sujet de droit et acteur de leur lutte. Cette dimension citoyenne semble d’ailleurs tout aussi importante pour les travailleurs que l’amélioration de leurs conditions matérielles de travail. De plus, les deux campagnes montrent une complémentarité entre la défense individuelle et collective de la main-d’œuvre. D’autre part, les collaborations menées avec un syndicat révèlent un rapprochement stratégique entre deux organisations dont les ressources et les expertises sont complémentaires, renforçant aussi la légitimité du CTI. Cependant, l’engagement communautaire du syndicat reste marginal et produit des effets limités quant aux résultats des campagnes et à la possibilité de transformer profondément ses pratiques. Enfin, l’informalité des rapports de travail qui concernent les deux catégories d’immigrants, oblige à composer avec des moyens tout aussi informels pour appuyer leur organisation, rendant nécessaire le réseautage communautaire, religieux et culturel. Malhaire, Loïc, Lucio Castracani et Jill Hanley. « La défense des droits des travailleuses et travailleurs, enjeux et défis d’une mobilisation collective à Montréal », Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail (REMEST), vol. 11, no. 1, 2017, p. 32-59.

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Loïc Malhaire, Lucio Castracani, Jill Hanley

Les programmes de travailleurs étrangers temporaires au Canada : discrimination salariale ou racisme institutionnel?

Le racisme et les formes de discrimination sous lesquelles il se manifeste peuvent trouver dans le monde du travail des espaces propices à leur expression. Certains milieux du travail le sont plus que d’autres, comme ceux où il y a une présence significative d’employéses d’origines ethnoculturelles diverses ou de « travailleurs-es issus-es de l’immigration1 ». Ce type de discrimination, souvent qualifiée de « rapports sociaux racisés » dans la recherche sociale (Soussi, 2013), est attribué à certains facteurs comme le déficit d’intégration économique ou culturelle, ou à des comportements xénophobes suscités entre autres par la peur de l’altérité. Dans tous ces cas, la lutte contre les effets néfastes de ce « racisme ordinaire » tire — à tort ou à raison — une partie de sa légitimité du fait que ce racisme est d’autant plus inadmissible qu’il frappe des citoyens ou des résidents permanents (Sharma, 2006) et qu’il contrecarre les efforts d’intégration déployés par la société civile et les politiques publiques mises en œuvre par l’État. Qu’en est-il, dès lors, des milieux du travail où le recours aux travailleurs migrants temporaires est devenu un phénomène en pleine croissance, accéléré par la remarquable expansion de « programmes de travailleurs étrangers temporaires » (PTET) conçus et gérés par l’État au Canada? Soussi, Sid Ahmed. « Discrimination salariale ou racisme institutionnel? », Droits et libertés, vol. 35, no. 2, automne 2016, p. 24-26.

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Sid Ahmed Soussi

Gender dynamics of temporary placement agency work: (Im)migrants, know your place!

For newcomers to Canada, placement agencies (or temp agencies) are a common path into a labour market that is difficult to access. It is widely documented that temp agencies are linked to precarious work conditions, dangerous occupational health conditions, racialized and gendered division of labour, and the exploitation of precarious immigration statuses. Our study shows that gender plays out strongly in (im)migrants’ experiences of temp agency work. Regardless of their previous education or experiences it is their immigration status, race and gender that seemed to dictate the types of work available to them. We discuss five elements of workers’ experiences that were strongly shaped by gender: their sectors of work; their tasks within the workplace; gender-normative bullying; sexual harassment and assault; and their management of work-life balance. Pour les nouveaux arrivants au Canada, les agences de placement (ou les agences de placement temporaire) sont une voie commune vers un marché du travail difficile d’accès. Il est largement documenté que les agences de placement temporaire sont liées à des conditions de travail précaires, à des conditions de santé professionnelles dangereuses, à la division du travail racialisée et sexuée et à l’exploitation de statuts d’immigration précaires. Notre étude montre que le genre joue un rôle important dans les expériences des (im)migrants dans le travail temporaire. Indépendamment de leurs études antérieures ou de leurs expériences, c’est leur statut d’immigration, leur race et leur sexe qui ont dicté les types de travail disponibles. Nous discutons de cinq éléments de l’expérience des travailleurs qui ont été fortement façonnés par le genre : secteurs de travail, tâches sur le lieu de travail, intimidation sexiste, harcèlement sexuel et voies de fait, et gestion de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Hanley, Jill, Lindsay Larios, Manuel Salamanca Cardona, Mostafa Henaway, Nuha Dwaikat Shaer, Sonia Ben Soltane, Paul Eid, «  Gender dynamics of temporary placement agency work: (Im)migrants, know your place! », Canadian Diversity, vol. 14, no. 2, 2017, p. 37-42.

Articles scientifiques

Jill Hanley, Lindsay Larios, Manuel Salamanca Cardona, Mostafa Henaway, Nuha Dwaikat Shaer, Sonia Ben Soltane, Paul Eid

Le mouvement syndical québécois face à la constitutionnalisation du droit du travail : Naviguer en eau trouble…Des précaires chez les protégés! Le cas des constables spéciaux du Québec

À la recherche d’un nouvel équilibre en raison des présentes transformations du marché du travail, les réorganisations et la flexibilité se négocient en échange d’une protection accrue pour ceux qui restent. De sorte que prolifèrent de nouvelles formes d’emploi atypiques, pendant que la constitutionnalisation du droit du travail change le rapport à l’universalisme syndical. Cela étant, cet article veut faire la lumière sur certains impacts causés par la négociation des clauses de disparité de traitement dans les milieux de travail syndiqués. La discussion s’appuiera sur une revue de littérature juridique et historique, sur une quarantaine d’entretiens semi dirigés réalisés à l’été 2011 et des relances téléphoniques. Il en ressort que certaines clauses de disparités de traitement permettraient (compte tenu de l’état actuel du droit) le contournement de la discrimination au sens de la Charte québécoise et l’évitement de processus juridiques longs et coûteux. Si bien que nous conclurons que ces clauses de disparité de traitement amènent dans les milieux de travail des problèmes de solidarité, d’adhésion syndicale, des conflits tant générationnels qu’idéologiques, beaucoup de non-dits, et cela, souvent au nom d’impératifs économiques. Gagné, Diane. « Le mouvement syndical québécois face à la constitutionnalisation du droit du travail : Naviguer en eau trouble…Des précaires chez les protégés! Le cas des constables spéciaux du Québec », Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail (REMEST), vol. 10, no. 2, 2016, p. 23-43.

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Diane Gagné

Les expulsions pour arriérés de loyer au Québec: un contentieux de masse

Depuis son entrée en fonction en 1980, la Régie du logement du Québec — le tribunal en charge du contentieux entre propriétaires et locataires — reçoit entre 30 000 et 50 000 demandes d’expulsions pour arriérés de loyer par année. Ces recours représentent entre 45 % et 62 % de l’ensemble du contentieux traité par la Régie, selon les années considérées. Dans une province de huit millions d’habitant(e)s, dont 40 % sont locataires, il s’agit d’un « contentieux de masse ». À partir d’une étude de la législation, de la jurisprudence et d’une enquête de terrain à la Régie, les auteurs s’interrogent sur le droit en vigueur et la procédure relative aux deux cas précis autorisant l’expulsion pour des arriérés de loyer : le retard de plus de trois semaines et les retards fréquents. Ils décrivent une procédure expéditive notamment parce que le pouvoir discrétionnaire des magistrats pour tenir compte des obligations contractuelles des locateurs, de la proportionnalité de la décision, du témoignage et du préjudice des locataires est marginal. Il s’agit ainsi d’un contentieux largement « sans espoir », lors duquel les causes du non-paiement et les conséquences humaines et sociales de l’expulsion sont écartées. Les auteurs défendent alors l’hypothèse que ces éléments contribuent à miner la confiance des justiciables envers le système judiciaire et participent à expliquer l’absentéisme des locataires aux audiences, tout comme le taux extrêmement faible de la représentation par avocat. Dans cette perspective, ils invitent à remettre en question le droit en vigueur et sa conformité avec les règles de droit international au premier rang desquelles, le droit au logement. Gallié, Martin, Julie Brunet et Richard-Alexandre Laniel. « Les Expulsions Pour Arrières de Loyer au Québec: un Contentieux de Masse », McGill Law Journal / Revue de droit de McGill, vol. 61, no. 3, mars 2016, p. 611-666.

Articles scientifiques

Martin Gallié, Julie Brunet, Richard-Alexandre Laniel

Codirection d’un numéro de Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail

Ce numéro compte quatre articles, qui ont en commun les enjeux en matière de gestion des ressources humaines ou de représentation collective. Le phénomène « génération Y » : symbole d’une plainte existentielle ? Sylvain LUC et Charles FLEURY Le mouvement syndical québécois face à la constitutionnalisation du droit du travail : naviguer en eau trouble… Des précaires chez les protégés! : Le cas des constables spéciaux du Québec Diane GAGNÉ L’intérêt et l’engagement syndical des travailleuses de l’industrie de la construction  Caroline LEDUC, Nathalie HOULFORT et François-Albert LAURENT L’organisation collective pour l’obtention d’une voix au chapitre : Illustration d’une forme de représentation complémentaire au syndicalisme Mélanie GAGNON, Catherine BEAUDRY et Ann-Gabrielle CARETTE Bellemare Guy et Martine Lauzon (dir.), Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail [REMEST], Vol. 10, no. 2, 2016.

Articles scientifiques, Direction de numéro de revue

Sous la direction de Guy Bellemare et Martine Lauzon