Les apports de la sociologie du genre à la critique du travail

Après avoir fait le point sur les différents courants traversant « la sociologie du genre » et précisé ses rapports – faits de ruptures et de continuités – à la sociologie du travail, Elsa Galerand et Danièle Kergoat tentent de montrer en quoi le courant du féminisme matérialiste, en particulier, interpelle et renouvelle la sociologie du travail, tant sur le plan conceptuel que sur celui des objets et des champs d’analyse. Depuis la théorisation du travail domestique vers une redéfinition extensive du concept de travail en passant par la conceptualisation des rapports sociaux de sexe et de la division sexuelle du travail, c’est finalement le potentiel critique et subversif de cette sociologie qu’il s’agit de mettre en évidence. Galerand, Elsa et Danièle Kergoat. « Les apports de la sociologie du genre à la critique du travail » La nouvelle revue du travail, no. 4, 2014.

Articles scientifiques

Elsa Galerand, Danièle Kergoat

Des Demi-citoyens, pas des « voleurs de jobs »

Les nouvelles allégations d’abus entourant les controversés programmes de travail migrant temporaire du gouvernement fédéral, feraient en sorte, si l’on en croit l’article de La Presse canadienne paru le 28 avril dernier, « d’entacher la réputation politique de Jason Kenney » qui « serait dans la mire des groupes d’affaires, des syndicats et même des citoyens ordinaires qui pensent que le gouvernement conservateur a permis à des étrangers de voler leurs emplois ». Devant de tels dérapages, des précisions doivent être apportées quant à la critique que nombreux sont à porter à propos de l’essor de programmes de travail migrant temporaire « fabriquant » des demi-citoyens actifs dans un nombre grandissant de secteurs de l’économie canadienne (travail agricole, aide-domestique, hôtellerie, restauration, transformation des viandes, mines, etc.). Comme les réformes récentes de l’assurance-emploi et de l’aide sociale, l’esprit téléguidant la mise en œuvre de ces programmes s’inscrit dans un retournement de la politique économique liée au travail dorénavant articulé autour de la « flexibilisation du travail » et de la mise en concurrence des travailleurs, particulièrement ceux et celles s’activant « au bas de l’échelle ». Noiseux, Yanick. « Des demi-citoyens, pas des voleurs de jobs », Réseau d’études des dynamiques transnationales et de l’action collective (REDTAC), no. 5, 2014.

Articles de vulgarisation, Articles scientifiques

Yanick Noiseux

Pathways to Healthcare for Migrant Workers: How can health entitlement influence occupational health trajectories?

Cet article présente les résultats d’une étude exploratoire sur l’accès aux services de santé des migrants à statut précaire. Une enquête a été menée auprès de 211 hommes et femmes migrants, et parmi ceux-ci, 31 ont été retenus pour un entretien en profondeur. Pour cet article, nous présentons les résultats concernant 78 travailleurs comprenant ceux recrutés en tant que travailleurs (travailleurs étrangers temporaires) ou qui n’ont pas d’accès au filet de sécurité sociale et doivent habituellement travailler (les sans-papiers). Une revue de la littérature est présentée, reliant le statut migratoire à l’accès aux soins de santé et aux problèmes de santé au travail. Nous présentons la méthodologie et ensuite les résultats qui décrivent les réseaux sociaux auxquels les travailleurs migrants ont recours pour répondre à leurs préoccupations en matière de santé, comprenant notamment les professionnels du Québec, et des ressources transnationales en santé. Ces résultats pourront être utiles aux professionnels de la SST pour comprendre certains obstacles auxquels font face les travailleurs migrants ayant subi un accident du travail ou une maladie professionnelle. Les difficultés d’accès aux soins de santé peuvent-elles compromettre le recours des travailleurs migrants victimes de lésions professionnelles ? Hanley, Jill, Sylvie Grave, Katherine Lippel et Jah-Hon Koo. « Pathways to Healthcare for Migrant Workers: How can health entitlement influence occupational health trajectories? », PISTES, vol. 16, no. 2, 2014.

Articles scientifiques

Jill Hanley, Sylvie Gravel, Katherine Lippel, Jah-Hon Koo

Les mesures de santé et sécurité au travail auprès des travailleurs étrangers temporaires : le cas du secteur agro-alimentaire.

Une analyse des pratiques préventives en santé et sécurité au travail (SST) a été faite dans le cadre d’une étude portant sur les enjeux de gestion ainsi que les conditions de travail et de vie des travailleurs étrangers temporaires (TÉT) employés dans les secteurs de l’horticulture, de la transformation alimentaire et autres secteurs non agricoles. Cette analyse qualitative s’est basée sur deux sources de données. Des entrevues individuelles ont été menées auprès d’employeurs (n = 17), de représentants d’organismes non gouvernementaux (n = 13), de commissions de protection des travailleurs (n = 3) et des représentants gouvernementaux (n = 7). Quatre focus groups ont été réalisés avec des TÉT (n = 31). Selon les répondants, la fréquence des lésions chez les TÉT ne suscite pas de préoccupations particulières, bien que les instances publiques de surveillance de la SST ne soient pas en mesure de documenter la situation des TÉT. Les résultats de l’analyse indiquent que les pratiques préventives de SST sont inégales, allant des pires (résumé en espagnol des consignes inscrites dans le guide des employés) aux meilleures pratiques (vidéos, simulations, formations adaptées en espagnol, pictogrammes) incluant le compagnonnage avec un contremaître hispanophone ou bilingue. Selon les représentants consulaires et syndicaux, deux problèmes de SST méritent une attention particulière : la manipulation des pesticides et les accidents routiers. Plusieurs pratiques de SST auprès des TÉT devraient être améliorées, notamment les formations sur les manipulations sécuritaires des pesticides, pratique qui devrait être imposée à toutes les entreprises, grandes et petites. L’adaptation des mesures de protection de la SST est une obligation morale envers les TÉT qui font partie intégrante de l’économie québécoise. Gravel, Sylvie et al. « Les  mesures de santé et sécurité au travail auprès des travailleurs étrangers temporaires : le cas du secteur agro-alimentaire », PISTES, vol. 16, no. 2, 2014.

Articles scientifiques

Sylvie Gravel, Francisco Villanueva, Stéphanie Bernstein, Jill Hanley, Daniel Crespo, Emmanuelle Ostiguy

Famille et travail : constats et propositions des jeunes féministes au Québec

Cet article vise à mettre en lumière le discours émergent de jeunes féministes québécoises sur le travail de reproduction et son articulation avec le travail rémunéré. À partir d’entretiens semi-directifs, nous exposons les constats que ces jeunes féministes font de ces deux pans de la division sexuelle du travail de même que les propositions qu’elles mettent de l’avant. Ainsi, elles dénoncent le partage toujours inégal du travail dit invisible et lacourse à la performance vécue par les mères. Elles doutent de la réussite de la conciliation famille-travail et remettent en question le travail rémunéré comme panacée pour l’émancipation des femmes. Suivant ces constats, les jeunes féministes rencontrées réfléchissent à des solutions : elles se questionnent sur de possibles compensations pour le travail de reproduction et sur le travail à temps partiel. Teintées par leur expérience du marché du travail actuel, de leur vision de la maternité et de la grande valeur qu’elles accordent à la famille, leurs idées visent une plus grande valorisation du travail accompli au sein des familles et une réorganisation du travail qui répondrait aux besoins et aspirations du plus grand nombre de femmes possible. Les idées des jeunes féministes rencontrées s’inscrivent à la fois dans un discours dominant du mouvement des femmes québécois et en rupture avec celui-ci. Seery, Annabelle. « Famille et travail : constats et propositions des jeunes féministes au Québec », Enfances Familles Générations, no. 21, avril 2014, p. 216-236.

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Annabelle Seery

Renverser la tendance à la pauvreté au travail en instaurant un revenu minimum garanti au Québec ?

Qu’elle soit nommée « allocation universelle », « impôt négatif », « revenu de citoyenneté » ou « revenu minimum garanti », l’idée d’un revenu de base inconditionnel continue d’alimenter les passions et les réflexions au Québec, en Europe et ailleurs dans le monde. Le revenu minimum garanti est une mesure de soutien du revenu ou de lutte contre la pauvreté intégrée à la fiscalité. Cet article présente l’une des périodes de l’examen de la faisabilité de l’implantation d’un revenu minimum garanti, dans les années 1970 au Canada et au Québec. Cette période est mise en parallèle avec l’instauration de l’aide sociale en 1969, puis avec les réformes néolibérales des systèmes de protection sociale canadien et québécois des dernières décennies. Nous examinerons ces réformes au regard de la gestion de la main-d’oeuvre de la politique sociale, laquelle participe, par l’activation, à la segmentation flexible du système d’emploi. Boucher, Marie-Pierre. « Renverser la tendance à la pauvreté au travail en instaurant un revenu minimum garanti au Québec ? », Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail (REMEST), vol. 8, no. 2, septembre 2014, p. 61-83.

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Marie-Pierre Boucher

The Impact of Liberalization on Female Workers in Quebec: Five Cases Studies

Cet article explore l’impact de la libéralisation des marchés sur la main-d’œuvre féminine au Québec. Il cherche à valider une intuition formulée par Brunelle, Beaulieu and Minier (2004) en guise de conclusion d’un rapport de recherche mettant en relief l’essor et la prolifération des marchés périphériques du travail dans le capitalisme mondialisé. Parce qu’elles sont surreprésentées dans le travail atypique, les auteurs se demandaient alors si la restructuration des marchés du travail avait des impacts négatifs les femmes. En nous appuyant sur quatre études de cas dans différents secteurs de l’économie (habillement, commerce de détail, télécommunications, services d’aide à domicile), l’article valide l’ hypothèse d’une rehiérarchisation genrée du marché du travail sur la base de statuts d’emploi dans le sillage du processus de libéralisation. Noiseux, Yanick et Marie-Pierre Boucher. « The Impact of Liberalization on Female Workers in Quebec: Five Cases Studies », Canadian Review of Sociology, vol. 50, no. 4, 2013, p.482-502.

Articles scientifiques

Yanick Noiseux, Marie-Pierre Boucher

Rapport salarial, politiques ciblées de lutte contre la pauvreté et construction d’une protection sociale à visée universelle : le cas brésilien

Au Brésil, les dix dernières années ont été marquées par l’administration du Parti des travailleurs (PT), le gouvernement de Dilma Roussef ayant succédé en 2011 au gouvernement du président Lula da Silva (2003-2006 et 2007-2010). Ces gouvernements ont fait de la réduction de la pauvreté et des inégalités sociales leur priorité, un objectif qu’ils ont cherché à poursuivre en tentant de générer de la croissance économique tout en créant des emplois dans le secteur formel, ainsi qu’en impulsant des augmentations réelles du salaire minimum et en mettant en place des politiques de transfert de revenus. La pierre d’assise des gouvernements Lula aura été le programme Bolsa Família (Bourse famille), alors que le programme Brasil sem Miséria (Brésil sans misère) sera le programme phare de sa successeure. Cet article cherche à analyser les enjeux autour de la mise en place de ces programmes et de la construction de la protection sociale, dans le cadre de l’aménagement d’une stratégie de lutte contre la pauvreté au Brésil. L’auteur propose des éléments pour une discussion portant sur la question du rapport salarial (et de son évolution) dans le contexte de la dynamique récente de transformation économique. Il réfléchit également à la capacité du gouvernement brésilien de mettre en place ses politiques économiques et sociales dites prioritaires visant l’amélioration des conditions des travailleurs pauvres. Pires de Sousa, Fernando J. « Rapport salarial, politiques ciblées de lutte contre la pauvreté et construction d’une protection sociale à visée universelle : le cas brésilien », Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail (REMEST), vol. 8, no. 2, 2013, p. 101-124.

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Fernando J. Pires de Sousa

Syndicalisme et travail atypique : l’évolution des prises de position des grandes centrales québécoises

En parcourant l’historique des revendications, des orientations et des prises de position des grandes centrales québécoises au cours des trente dernières années, force est de constater que celles-ci se sont d’abord cantonnées dans une position défensive visant à contrer la progression du travail atypique. Longtemps à la remorque d’autres organisations de la société civile lorsqu’il s’est agi de défendre aussi les intérêts des travailleurs s’exerçant sur les marchés périphériques du travail, les centrales ont lentement pris acte des transformations fondamentales des marchés du travail et de l’obligation d’agir « malgré et avec » les changements. Au tournant du millénaire, les centrales se sont progressivement tournées vers des stratégies plus variées cherchant à prendre en compte les besoins différenciés des travailleurs atypiques. Plutôt que de simplement combattre la prolifération de l’emploi atypique, les centrales syndicales insistent désormais sur l’amélioration des situations dans lesquelles se retrouvent ces travailleurs. Le principe général d’égalité de traitement affirmant qu’à travail égal il faut un salaire égal sera progressivement reformulé de manière à répondre aux nouvelles formes que prend l’emploi. Des efforts significatifs ont été faits afin de recruter de nouveaux membres parmi les travailleurs atypiques, notamment dans le secteur tertiaire privé où abonde l’emploi à temps partiel ainsi qu’auprès de travailleurs temporaires. Contrairement aux idées reçues, les centrales se sont aussi mobilisées afin d’organiser collectivement de nombreux groupes de travailleurs autonomes. Le fait que les grandes centrales syndicales du Québec se soient finalement prononcées pour l’interdiction totale des clauses de disparité de traitement en fonction du statut d’emploi constitue également une avancée importante. Cela dit, la persistance de ces clauses « orphelin » a un impact considérable sur la capacité du syndicalisme à affirmer sa raison d’être et apparaît aujourd’hui comme un enjeu majeur, notamment pour les nouvelles générations de travailleurs. Noiseux, Yanick. « Syndicalisme et travail atypique : l’évolution des prises de position des grandes centrales québécoises », Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail (REMEST), vol. 8, no. 2, 2013, p. 84-100.

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Yanick Noiseux

Les flux du travail migrant temporaire et la précarisation de l’emploi: une nouvelle figure de la division internationale du travail?

Cet article expose les résultats d’une étude consacrée aux impacts socioéconomiques locaux des flux du travail migrant temporaire au Canada sur la structure de l’emploi, le rapport salarial et la précarisation du travail. À l’échelle internationale, le phénomène migratoire a laissé progressivement place à celui de la mobilité temporaire, notamment à la faveur de la financiarisation de l’économie et de l’externalisation croissante des activités industrielles et de service des entreprises. S’agit-il d’un infléchissement ou d’un véritable « changement de paradigme dans la gestion des flux migratoires » ? Au Canada, cette transition, accentuée par la mise en place et l’expansion de programmes de travailleurs étrangers temporaires, soulève plusieurs interrogations. Quels liens établir entre cette expansion et la précarisation progressive de l’emploi dans les secteurs d’activité affectés par ces flux ? Dans quelle mesure ces programmes, conçus pour gérer localement les flux du travail migrant temporaire, mais qui s’inscrivent dans une dynamique transnationale, redéfinissent-ils certaines figures de la division internationale du travail ? Les réponses proposées ici sont exposées en quatre parties. La première dresse un portrait de ces programmes et de leur fonction. La deuxième livre une synthèse critique des problématiques du travail migrant temporaire dans l’analyse sociologique en se focalisant sur l’articulation dialectique entre les flux migratoires liés à l’immigration et ceux induits par la mobilité. La troisième partie examine les retombées de ce phénomène en matière de structure de l’emploi, de rapport salarial et de droits sociaux du travail. La dernière partie se focalise sur la dialectique locale/globale induite par ces flux et sur leurs impacts dans la division internationale du travail dont ils tendent à constituer une nouvelle figure. La conclusion revient sur les implications de ce phénomène sur les rapports sociaux du travail en matière d’inégalités sociales (rapports de classe, de genre et rapports ethnoculturels) ainsi que sur les interrogations politiques qu’il soulève concernant l’ambivalence du rôle de l’État dans l’encadrement institutionnel des flux du travail migrant temporaire. Soussi, Sid Ahmed. « Les flux du travail migrant temporaire et la précarisation de l’emploi: une nouvelle figure de la division internationale du travail? », Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail (REMEST), vol. 8, no. 2, 2013, p. 145-170.

Articles scientifiques

Sid Ahmed Soussi