Travail et informalité : Nouvelles figures de l’exploitation et des mobilisations au Nord et au Sud

Après plus de trente ans de mutations du travail et de l’emploi, qui se traduisent par une remontée du travail informel, y com – pris dans les pays industrialisés, doit-on encore parler de crise de la société salariale ? Est-ce que les métamorphoses de la question sociale, pour reprendre l’expression de Robert Castel, ne nous indiqueraient pas plutôt qu’il faille ajuster la focale d’observation et d’analyse ? En regroupant sous la catégorie d’informels les travailleurs atypiques, indépendants, à domicile, les précaires (sur)vivant de petits boulots, ce numéro s’inscrit volontairement dans les controverses sur la façon de caractériser le travail informel, tout en s’en démarquant. Le travail informel ne peut être considéré comme une sphère autonome de l’éco – nomie formelle. Activités informelles et formelles sont résolument imbriquées. On met ici l’accent sur les réalités expérimentées par les travailleuses et travailleurs informels et sur ce que leurs mobilisations apportent au renouvellement des perspectives théoriques, souvent (ethno)centrées sur la société salariale au Nord, en examinant leurs aspirations et leurs pratiques sociales. Car ces travailleuses et travail – leurs contestent l’ordre social sous de multiples aspects. En outre, les femmes, majoritaires dans le travail informel, y jouent un rôle important. C’est ce qu’illustrent les articles de ce numéro regroupés sous deux axes en mettant l’accent d’un côté sur les résistances, les contraintes institutionnelles et les adaptations et, de l’autre, sur les mobilisations. Yerochewski, Carole et Yanick Noiseux (dir.), Sociologie et sociétés, vol. 47, no. 1, printemps 2015.

Direction de numéro de revue

Carole Yerochewski, Yanick Noiseux

Présentation de Jean Bernier – Journée de réflexion « Précarité, mobilisations et résistance »

Ce court texte présente l’intervention de Jean Bernier au terme de la journée de réflexion ayant eu lieu le 13 novembre dernier sur le thème « Précarité, mobilisations et résistance : la réponse syndicale au Québec et en Ontario ». Bernier, Jean. Notes pour une intervention au terme de la journée de réflexion: Précarité, mobilisation et résistances : La réponse syndicale au Québec et en Ontario : Quelques défis et écueils pour les organisations syndicales, Montréal, 13 novembre 2015.

Jean Bernier

L’organisation d’une justice à deux vitesses. La catégorisation et la hiérarchisation des causes mises au rôle à la Régie du logement

Ce rapport fait suite à une initiative de Projet Genèse, un organisme de défense des droits sociaux. En janvier 2014, deux membres de l’équipe (Claire Abraham et Arlene Field) ont contacté deux professeures du Département des Sciences juridiques de l’UQÀM (Lucie Lemonde et Martin Gallié). Elles souhaitaient alors examiner les voix de recours qui pourraient permettre de contester juridiquement les délais scandaleusement longs auxquels sont confrontés les locataires avant d’obtenir une première audience à la Régie du logement et finalement un jugement. Le contenu, la méthode retenue dans ce rapport de recherche sont les fruits d’un travail collectif et d’échanges, pendant l’année 2014- 2015 entre les membres de Projet Genèse, des professeures du Département des sciences juridiques de l’UQÀM, des étudiantes de Pro Bono UQAM et plusieurs avocates. Galliée, Martin, Jessica Leblanc et Collectif Pro Bono UQAM. L’organisation d’une justice à deux vitesses. La catégorisation et la hiérarchisation des causes mises au rôle à la Régie du logement, Université du Québec à Montréal, Montréal, 2015.

Rapport de recherche

Martin Galliée, Jessica Leblanc

Non qualifiés les travailleurs pauvres ? Pour une analyse en termes de rapports sociaux de la qualification et de la pauvreté en emploi

Des travailleuses et des travailleurs pauvres, mais des emplois mobilisant des qualifications. La permanence du phénomène de non-qualification. La globalisation financière, la recomposition de la division du travail et la transformation du rôle des États. Conclusion Yerochewski, Carole, Elsa Galerand, Frédéric Lesemann, Yanick Noiseux, Sid Ahmed Soussi et Lise St-Germain. « Non qualifiés les travailleurs pauvres ? Pour une analyse en termes de rapports sociaux de la qualification et de la pauvreté en emploi », dans Amine, Samir (dir.), La crise des emplois non qualifiés, Montréal, Presses Internationales Polytechnique, 2015, p.125-163.

Chapitre de Livre

Carole Yerochewski, Elsa Galerand, Frédéric Lesemann, Yanick Noiseux, Sid Ahmed Soussi, Lise St-Germain

Controverses sur la réactualisation du travail informel au Brésil : l’impact des mobilisations dans l’économie solidaire sur les conceptions du changement social et les stratégies syndicales et politiques

Rassemblant au Brésil toute une partie des travailleurs informels, l’économie solidaire est un sujet controversé parmi les acteurs syndicaux et politiques. Est-elle un lieu d’insertion des travailleurs, et (surtout) travailleuses, pauvres ou informels qui sont rejetés par un marché nécessairement compétitif ? Ou les différentes mobilisations, et certaines des pratiques autogestionnaires de ces travailleurs dits marginalisés, constituent-elles des luttes pour l’égalité et la justice sociale qui dépassent les revendications (en termes de salaires, de durée du travail, etc.) issues du compromis de la société salariale — compromis qui n’a jamais eu vocation à couvrir plus qu’une minorité de travailleurs dans le monde ? Étayé par des entretiens approfondis menés auprès de responsables communautaires, syndicaux et politiques impliqués dans l’économie solidaire au Brésil, l’article met ainsi en lumière les relations entre leurs choix stratégiques et les façons d’analyser le problème de la remontée du travail informel. Les controverses suscitées sont révélatrices de conceptions plus globales sur l’économie et la place des mobilisations de travailleurs dans le changement social. Yerochewski, Carole. « Controverses sur la réactualisation du travail informel au Brésil : l’impact des mobilisations dans l’économie solidaire sur les conceptions du changement social et les stratégies syndicales et politiques », Sociologie et sociétés, vol. 47, no. 1, printemps 2015, p. 201-224.

Articles scientifiques

Carole Yerochewski

L’action internationale des organisations syndicales québécoises

Cet article présente les résultats d’une recherche qualitative sur les activités internationales des deux plus importantes organisations syndicales québécoises (FTQ, CSN) et de leurs syndicats affiliés. Son modèle d’analyse articule trois dimensions emblématiques de l’action syndicale internationale : les structures et les dispositifs organisationnels; les modes de représentation et de coopération syndicales; les stratégies de «solidarité internationale». Ces activités sont portées dans chaque centrale par une logique et une logistique distinctes. Leurs projets internationaux se sont multipliés, mais les structures sont demeurées inamovibles. Jusque-là ces organisations ont toujours fait «cavalier seul». Quel bilan en dresser aujourd’hui? Les résultats de cette étude livrent des réponses nuancées et parfois inattendues. Ces organisations déploient des activités internationales qui démontrent leur engagement résolu en matière d’action internationale et de… développement international. Les enjeux du travail et de sa régulation internationale y sont peu couverts. Et pour cause. Les logiques de financement conduisent les organisations syndicales à intégrer dans leurs projets les critères des bailleurs de fonds, des organismes d’État priorisant leurs propres orientations politiques en développement international, d’où les difficultés pour les syndicats à faire converger leurs préoccupations, liées aux problématiques du travail, aux stratégies des entreprises et à l’action syndicale, avec celles de leurs sources de financement. Enfin, la «gestion» des activités internationales semble cristalliser un déficit de démocratie interne pour lequel est examinée une hypothèse explicative : la prédominance exercée par les exécutifs sur ces activités grâce à l’intermédiation des cadres salariés. Et-ce à dire que cette hypothèse doive être systématisée aux autres sphères d’activités syndicales? La question demeure entière. Soussi, Sid Ahmed. « L’action internationale des organisations syndicales québécoises », Revue Interventions économiques, no. 52, 2015.

Articles scientifiques

Sid Ahmed Soussi

Le mouvement syndical québécois face à une période de morosité mondialisée : Défis et opportunités?

Nous assistons actuellement à la précarisation des emplois (plus du tiers des travailleurs seraient atypiques2 ) et au déclin du secteur manufacturier (fermeture et suppression de postes font les manchettes chaque semaine depuis plusieurs mois). La négociation devient raisonnée et en continue et les conventions collectives sont de plus longue durée. Le rapport de force est inversé. Les employeurs décrètent des lock-out de longue durée (Journal de Québec, Pétro-Canada, Journal de Montréal, Rio Tinto, etc.) pendant que dans le secteur public les syndicats se mobilisaient et faisaient front commun (2009) afin d’éviter de se faire imposer des conditions salariales par des mesures législatives, comme en 2005. La réorganisation et la flexibilité se négocient en échange d’une protection accrue pour ceux qui restent, conduisant à une prolifération de nouvelles formes d’emploi atypique. La constitutionnalisation du droit du travail, pour sa part, change le rapport à l’universalisme syndical. C’est pourquoi il y a lieu de se questionner. Puisqu’il y a moins de stabilité en emploi, et que les concepts d’ancienneté et de loyauté n’ont plus la même signification et que cette situation fragilise le sentiment d’appartenance et individualise la société (Brunelle : 2001, 2002, 2004). Cela étant, cet article, brossant la cartographie de la situation, veut jeter un éclairage sur les défis contemporains pour le mouvement syndical, découlant tant du droit du travail et de l’emploi que de la conjoncture actuelle. Gagné, Diane. « Le mouvement syndical québécois face à une période de morosité mondialisée : Défis et opportunités? », Revue internationale sur le travail et la société, vol.11, no. 1, 2013, p.45-75.

Articles scientifiques

Diane Gagné

Le travail migrant temporaire : une figure hors normes de la division internationale du travail

Le monde du travail traverse des mutations qui touchent tant sa nature et son contenu que l’organisation productive, les relations contractuelles d’emploi et les modes de régulation dans lesquels s’exercent les activités professionnelles. C’est pourquoi il faut repenser le travail, non plus dansun schéma réducteur du travail industriel, ouvrier et masculin, mais dans la richesse de ses contenus, dans la diversité deses formes institutionnelles, dans la fragmentation de ses temporalités, dans la variété de ses configurations organisationnelles, dans la -dispersion des attentes de ses acteurs. Les auteurs de cet ouvrage abordent les mutations du travail et leurs conséquences dans une perspective sociologique, en appréhendant la question de la transformation de la pensée sur le travail. Ce faisant, ils veulent contribuer à une entreprise de reconceptualisation du travail et de l’emploi à partir des travaux réalisés au cours des dernières années. Ils rendent ainsicompte, de manière critique, des rapports sociaux à travers lesquels le travail contemporain s’institue et se reproduit dans chacun des espaces du travail traités. Soussi, Sid Ahmed. « Le travail migrant temporaire : une figure hors normes de la division internationale du travail », dans D’Amours, Martine, Sid Ahmed Soussi et Diane-Gabrielle Tremblay (dir), Repenser le travail. Des concepts nouveaux pour des réalités transformées, Presses de l’Université du Québec, 2015, p. 185-214.

Chapitre de Livre

Sid Ahmed Soussi