Chroniques des conflits de travail no. 7 : les grèves locales des conducteur·trice·s d’autobus scolaire au Québec en 2023-2024 et le cas de Transco-Montréal/First Student

Cette chronique porte sur les conflits de travail entre des syndicats locaux de conducteur·trice·s de véhicules scolaires et des compagnies de transport qui ont marqué différentes régions québécoises au cours de l’année 2023 et au début de l’année 2024. Après une brève mise en contexte retraçant l’état de syndicalisation dans le secteur du transport scolaire (1), nous exposons le fonctionnement et les mécanismes de financement propres à ce secteur (2) pour brosser ensuite un portrait des conditions de travail et des enjeux qui sont au cœur des revendications portées par les syndiqué·e·s (3). La section qui suit propose une chronologie des grèves dans le secteur du transport scolaire au cours des deux dernières années (2023-2024) (4), et ce, en fonction de l’affiliation des syndicats locaux à différentes centrales (4.1 et 4.2). Nous présentons ensuite une brève étude du cas de la plus grande entreprise multinationale de transport scolaire au Québec et en Amérique du Nord, Transco/First Student (5). Nous insistons en particulier sur le cas de la grève chez Transco-Montréal, car celle-ci fut la plus longue et la plus importante au cours de cette période (6). En guise de conclusion, nous ferons un premier bilan des gains réalisés par les chauffeur·euse·s à l’issue de ces conflits de travail et discuterons des rôles joués par l’État et les Centres de services scolaires (CSS), dans le cadre de ces conflits, ainsi que des avenues possibles en termes de stratégies syndicales futures (7)

Chroniques du travail

Anthony Desbiens

Chroniques des conflits de travail no. 7 : la première grève de professeur·e·s de l’Université McGill (2024)

Le 24 avril 2024, la toute récente Association McGillienne des professeur·e·s de droit (AMPD), créée en 2021, déclenche une grève illimitée. Dans le petit monde des enseignant·e·s universitaires québécois·e·s, c’est un événement rare qui mérite d’être souligné. L’AMPD est alors le premier syndicat de professeur·e·s au sein de la prestigieuse Université McGill, à déclencher une grève et le premier à subir les attaques frontales d’une direction ouvertement antisyndicaliste. C’est ainsi un conflit qui permet d’illustrer une campagne antisyndicale d’un patronat totalement décomplexé, qui n’hésite pas à mobiliser des fonds publics, les tribunaux, à faire traîner les négociations et à ridiculiser les étudiant·e·s solidaires afin d’empêcher ou de décourager toute forme de syndicalisation du corps professoral. Ce même patronat qui, souligne le jeune syndicat, s’oppose à toute forme de contestation et fait preuve d’une rare arrogance : il recourt aux forces de l’ordre et à des services de sécurité privés pour expulser un campement propalestinien qui demande simplement une reddition de compte ; il méprise ouvertement les demandes de familles autochtones qui souhaitent procéder à des fouilles archéologiques pour préserver les restes d’enfants retrouvés sur le campus lors de travaux ; et il est alors incapable de s’opposer efficacement au Gouvernement québécois, qui a décidé d’augmenter d’un tiers les frais de scolarité des étudiant·e·s de premier cycle qui ne sont pas Québécois·e·s. C’est également une lutte qui permet de mettre en lumière pourquoi et comment un groupe de travailleurs et de travailleuses relativement privilégié, peu habitué à se mobiliser et à lutter collectivement, décide finalement de s’organiser, de « recourir à l’action syndicale » pour reprendre leur formule, afin de s’opposer à l’arbitraire patronal et aux attaques contre leurs conditions de travail. Ce cas permet enfin d’illustrer une forte solidarité de la communauté universitaire canadienne et québécoise, qui ne se limite pas à un soutien moral, mais qui s’accompagne d’un soutien financier important et de moyens de pression relativement originaux, comme les flying pickets. Enfin, ce conflit offre des pistes de réflexion préoccupantes sur les motivations et le zèle qu’ont pu déployer certains cadres pour s’opposer frontalement, sans crainte d’être condamnés au tribunal pour entraves, aux droits fondamentaux de se syndiquer et de négocier collectivement.

Chroniques du travail

Mireille Fournier et Martin Gallié

Migrations internationales, action publique et zones grises du travail

Les migrations internationales de travail prennent progressivement la forme d’une mobilité temporaire et circulaire systématisée. Cet article analyse les conséquences locales des migrations internationales de travail sur trois dimensions significatives des zones grises du travail : la reconfiguration de l’emploi, la dérégulation des relations de travail et l’accès discriminé aux droits sociaux des travailleurs migrants temporaires. Ce phénomène, constitutif d’une nouvelle figure de la division internationale du travail, ne peut être saisi sans le rôle actif de l’action publique locale et le rôle ambivalent des États

Chroniques internationales

Sid Ahmed Soussi

Chronique des conflits de travail no. 6 : La grève illimitée de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) de novembre-décembre 2023 (partie II)

Les chroniques des conflits de travail (CCT) consistent à documenter l’histoire, les revendications, les actions et les enjeux, notamment juridiques, de conflits du travail, passés ou présents. Par là, elles veulent contribuer à alimenter les recherches sur les pratiques de résistance et de mobilisations collectives des travailleurs et des travailleuses en lutte contre l’exploitation. Cette chronique présente une chronologie de la grève illimitée menée par la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) de novembre à décembre 2023. Cette mobilisation visait à dénoncer l’inaction du gouvernement face aux revendications concernant les conditions de travail, la composition des classes et les salaires des enseignants. Malgré des tentatives de négociation, le gouvernement n’a proposé que des concessions insuffisantes, menant à une grève historique impliquant 65 500 enseignant·e·s. La mobilisation a culminé le 23 novembre 2023, date marquée par une manifestation massive et un soutien important du public. Après cinq semaines de grève, une entente de principe a finalement été conclue, bien que celle-ci ait suscité des réactions mitigées parmi les membres, en raison de compromis perçus comme insuffisants face aux attentes initiales.

Chroniques du travail

Elsa Galarand et Martin Gallié

Chronique des conflits de travail no. 5 : Grève dans l’hôtellerie à l’automne 2024. Entretien avec trois préposées aux chambres

Les chroniques des conflits de travail (CCT) consistent à documenter l’histoire, les revendications, les actions et les enjeux, notamment juridiques, de conflits du travail, passés ou présents, en vue d’alimenter la recherche sur les pratiques de résistance et de mobilisations collectives des travailleurs et des travailleuses contre l’exploitation. Les 30 syndicats impliqués dans le secteur de l’hôtellerie mènent une plateforme commune de revendications pour négocier avec leurs employeurs, tout en conservant la liberté d’ajouter des demandes spécifiques et de choisir leurs moyens d’action. Sans convention collective depuis le 30 juin 2024, plusieurs grèves ponctuelles ont eu lieu durant l’été. Le 12 septembre, les employés de l’hôtel Bonaventure à Montréal ont entamé une grève illimitée, suivis le lendemain par ceux de l’hôtel PUR à Québec. Les travailleurs de l’hôtel Delta à Sherbrooke, quant à eux, ont adopté une banque de 120 heures de grève. La présente chronique vise à faire un bref survol de cette lutte syndicale.  

Chroniques du travail

Martin Gallié et Elsa Galerand

Chronique des conflits de travail no. 4 : le lock-out des débardeurs du port de Québec (2022 – 2024)

Les chroniques des conflits de travail (CCT) consistent à documenter l’histoire, les revendications, les actions et les enjeux, notamment juridiques, de conflits du travail, passés ou présents, en vue d’alimenter la recherche sur les pratiques de résistance et de mobilisations collectives des travailleurs et des travailleuses contre l’exploitation. Le 15 septembre 2022, la Société des arrimeurs de Québec (SAQ) déclenche un lock out à l’encontre des 81 débardeurs du Port de Québec. En septembre 2024, deux ans plus tard, le lock out est toujours en vigueur et les activités du Port de Québec semblent fonctionner « normalement ». Elles seraient même en légère hausse. Il faut dire que dans la mesure où les ports relèvent de la compétence fédérale, la SAQ peut légalement recourir à des briseurs de grève.    

Chroniques du travail

Martin Gallié et Yanick Noiseux

Chronique des conflits de travail no. 3 : La grève illimitée de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) de novembre-décembre 2023 (partie I)

Les chroniques des conflits de travail (CCT) consistent à documenter l’histoire, les revendications, les actions et les enjeux, notamment juridiques, de conflits du travail, passés ou présents. Par là, elles veulent contribuer à alimenter les recherches sur les pratiques de résistance et de mobilisations collectives des travailleurs et des travailleuses en lutte contre l’exploitation. Cette chronique est consacrée à la grève des 65 500 enseignantes (du préscolaire, du primaire, du secondaire, de l’enseignement en milieu carcéral, de la formation professionnelle et de l’éducation des adultes) syndiquées à la Fédération autonome de l’enseignement (FAE[1]) qui a été déclenchée le 23 novembre 2023 avec un mandat de grève illimitée et qui a pris fin après cinq semaines. En guise d’introduction, cette chronique revient d’abord sur le contexte de cette grève, la dynamique syndicale dans laquelle elle s’inscrit ainsi que sur les revendications (partie 1). Elle présente ensuite une chronologie détaillée des évènements qui veut rendre compte des paradoxes du conflit et de quelques-uns des enjeux qu’il soulève (partie 2). En conclusion, elle propose quelques pistes de réflexion (partie 3). L’ensemble a été exclusivement rédigé à partir des articles de presse, communiqués syndicaux, chroniques, synthèses ou commentaires repérés sur les pages Facebook (de la FAE, des syndicats membres de la FAE et du Front commun) qui ont été publiés, et ce jusqu’à trois mois après la signature de l’entente mettant fin à la grève.          

Chroniques du travail

Martin Gallié et Elsa Galerand

Comment changer? Quelques pistes de réflexion d’un point de vue syndical

De nouvelles opportunités s’offrent au mouvement syndical. La rareté de la main-d’oeuvre et la situation économique (inflation) procurent une conjoncture favorable aux organisations syndicales leur permettant de regagner du terrain perdu. De plus, outre la récente décision de la Cour d’appel du Québec concernant les travailleurs et travailleuses étudiants d’ABI – qui reconnait que ceux-ci ne peuvent pas être payés moins pour accomplir des tâches équivalentes – de récents changements législatifs rendent plus difficiles l’adoption de clauses de disparité de traitement et commandent l’obligation d’une rémunération équivalente pour les travailleurs et travailleuses d’agence. Reconnaissant la nécessité du changement organisationnel, thématique de ce numéro, pour les différentes parties prenantes du monde du travail, les auteur.es posent alors cette question : comment les organisations syndicales pourraient saisir l’occasion qui se présente? Dit autrement, comment pourraient-elles contribuer à réduire la précarité en emploi tout en assurant la pérennité des organisations ? Après cinq décennies de « vent de face », les astres sont alignés pour que le mouvement syndical reprenne l’offensive et travaille à renverser la vapeur de la précarisation du travail, Pour se faire, il faut sortir du carcan de leur corporatisme syndical, et surtout ne pas « surfer » sur la satisfaction des membres. Il faut au contraire des actions d’éducation, de mobilisation et de sécurisation, afin de contrer la précarisation du marché du travail. Cette conjoncture favorable doit aussi bénéficier aux travailleurs et travailleuses précaires, une telle opportunité ne se représentera pas souvent!

Articles scientifiques

Diane Gagné, Dominic Lemieux

Lancement de l’axe de recherche partenariale/engagée du GIREPS sur la transition socio-écologique

Le vendredi 10 mai 2024, le Groupe interuniversitaire et interdisciplinaire de recherche sur l’emploi, la pauvreté et la protection sociale (GIREPS), en collaboration avec l’organisme Relais-femmes, a organisé un premier séminaire portant sur la transition socio-écologique. Cette note résume les discussions ayant eu cours lors de l’événement.

Compte-rendu

Christophe Cinq-Mars

Chroniques des conflits de travail no. 2 : grèves chez Olymel

Les chroniques des conflits de travail (CCT) consistent à documenter l’histoire, les revendications, les actions et les enjeux, notamment juridiques, de conflits du travail, passés ou présents. Par là, elles veulent contribuer à alimenter les recherches sur les pratiques de résistance et de mobilisations collectives des travailleurs et des travailleuses en lutte contre l’exploitation. En avril 2021, les 1050 employé·e·s de l’usine d’abattage de porcs d’Olymel à Vallée-Jonction, en Beauce, déclarent la grève illimitée. Cette grève, qui durera plus de quatre mois, a mis à l’avant-plan bon nombre d’enjeux qui débordent de ce secteur d’activité: précarisation de l’emploi, stratégies antisyndicales, désindustrialisation, réalités du travail en région et en milieu rural. Dans un contexte d’érosion du syndicalisme dans le secteur privé et d’individualisation du rapport au travail, le cas « Olymel » permet de dépeindre l’expérience d’un conflit de travail récent impliquant des salarié·e·s à temps plein en « usine » – norme typique du régime fordiste –, autant dans ses gains que dans ses inévitables difficultés.

Chroniques du travail

Félix Beauchemin