Les zones grises du travail

Ce numéro thématique est consacré à la notion de « zone grise du travail » conçue comme un outil d’analyse et de comparaison des transformations des relations d’emploi et des mondes professionnels. Cette notion renvoie à la multiplicité et à l’hétérogénéité des relations d’emploi où les rapports employés/employeurs devenus complexes, parfois illisibles, ont changé de nature dans de nombreux espaces du travail en ce sens qu’ils se sont émancipés des formes traditionnelles de régulation institutionnelle. Il ne s’agit pas seulement ici de caractériser le postfordisme ou les nouvelles figures du rapport institutionnel Travail/État/Capital qu’il a façonnés dans le capitalisme postindustriel. Siino, Corinne et Sid Ahmed Soussi. « Zones grises du travail au Nord et au Sud : dynamique de globalisation ou logiques locales ? », Siino, Corinne et Sid Ahmed Soussi (dir.), Revue Interventions économiques, no. 58, 2017.

Articles scientifiques, Direction de numéro de revue

Sous la direction de Corinne Siino et Sid Ahmed Soussi

Quand le droit conforte les stratégies syndicales reproduisant les arrangements institutionnels sources de discrimination systémique

Cet article présente un cas de mobilisation contre les discriminations systémiques envers des travailleuses procurant des services d’assistance aux personnes (en anglais, care-workers), en grande majorité Noires et Haïtiennes, qui occupent des emplois aux normes dégradées dans des agences de placement fournissant du personnel pour un seul organisme parapublic. À l’intersection des mutations en cours dans la gestion de la main-d’oeuvre et de la réorganisation de la prise en charge des services d’assistance aux personnes, ce cas est représentatif de la façon dont se redessinent les frontières de la relation d’emploi. Les travailleuses mobilisées étant syndiquées, il permet aussi d’explorer un éventail d’attitudes syndicales.Une stratégie syndicale prédomine : elle consiste à défendre ou gérer la négociation collective institutionnalisée. Elle est encouragée par un ensemble d’institutions qui produisent des constructions contradictoires des enjeux d’égalité et du problème des discriminations. Si ces arrangements institutionnels ouvrent une brèche aux « innovations » patronales et confortent l’adoption de stratégies syndicales visant à préserver la relation bilatérale d’emploi, cet article soutient que cette stratégie est aussi symptomatique de la vision moniste avec laquelle les syndicats abordent l’effritement du modèle dominant de la relation d’emploi, en le réduisant aux conflits d’intérêts entre employeurs et travailleurs. Or, cet effritement est aussi le résultat des réorganisations mutuelles et réciproques des différentes formes sociales de division du travail entre classes, sexes et races. Mais en ne s’interrogeant pas sur ce qui a fondé le compromis de la société salariale, soit la minoration ou l’exclusion de groupes de populations de la norme d’emploi à temps plein et permanent, les syndicats accordent la priorité à des stratégies qui participent, comme l’illustre le cas choisi, si ce n’est à la création de normes discriminatoires, du moins, à la légitimation de frontières entre ceux qui ont accès à des emplois de qualité et les autres. Yerochewski, Carole et Diane Gagné. « Quand le droit conforte les stratégies syndicales reproduisant les arrangements institutionnels sources de discrimination systémique », Relations industrielles, vol. 72, no. 3, été 2017, p. 551–573.

Articles scientifiques

Carole Yerochewski, Diane Gagné

Note sociopolitique no. 11 : Enjeux sociopolitiques sur le Revenu minimum garanti (RMG)

Le revenu minimum garanti intéresse de nombreux chercheur-ses depuis le début du vingtième siècle. Depuis quelques années, celui-ci effectue un retour à l’avant-plan de l’actualité. Dans le cadre de ce qu’on pourrait qualifier d’une « troisième vague » d’engouement autour de cette mesure, des expérimentations, qualifiées de « projets-pilotes », ont été lancées en Finlande et en Ontario notamment. Au Québec, non seulement l’actuel ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale François Blais a publié un ouvrage sur ce thème, mais le gouvernement a aussi abordé directement le RMG — et sa possible mise en œuvre — lors de son « Forum des idées pour le Québec ». C’est dans ce contexte que le GIREPS a décidé d’organiser un séminaire portant sur le RMG en février 2017. Cet atelier de réflexion était organisé autour de deux présentations, qui ont été suivies d’une période de discussions. Ce sont Pierre-Antoine Harvey, économiste à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et Serge Petitclerc du Collectif pour un Québec sans pauvreté qui ont ouvert l’activité en proposant des pistes de réflexion pour mieux appréhender cette éventuelle mesure dans un contexte où celle-ci peut prendre diverses orientations en fonction l’idéologie politique de ses instigateurs. Lalonde, Félix et Groupe interuniversitaire et interdisciplinaire de recherche sur l’emploi, la pauvreté et la protection sociale [GIREPS], Enjeux sociopolitiques sur le Revenu minimum garanti (RMG), GIREPS, Québec, octobre 2017.

Notes sociopolitiques

Félix Lalonde

Note sociopolitique no. 10 : Compte-rendu de l’Atelier de réflexion sur la pratique de la recherche partenariale

Le GIREPS a organisé une table ronde sur la recherche partenariale le 30 mars 2017 grâce à la participation de cinq femmes, trois issues de milieux communautaires (Berthe Lacharité, Sylvie Guyon et Sylvia Bissonnette) ainsi que deux du milieu académique (Elsa Galerand et Lyne Kurtzman). Conjointement organisée avec le groupe communautaire de Relais-femmes et le RéQEF, la rencontre s’est avérée enrichissante sur les enjeux, problèmes et limites que pose ce type de recherche grâce à la mise en relief les expériences spécifiques des présentatrices. Lalonde, Félix et Groupe interuniversitaire et interdisciplinaire de recherche sur l’emploi, la pauvreté et la protection sociale [GIREPS], Compte-rendu de l’Atelier de réflexion sur la pratique de la recherche partenariale, GIREPS, Québec, juillet 2017.

Notes sociopolitiques

Félix Lalonde

Syndicalisme dans le secteur du commerce de détail et des dépanneurs : Étude exploratoire sur la syndicalisation des dépanneurs Couche-Tard au Québec

Le syndicalisme a jusqu’à maintenant éprouvé des difficultés à percer le secteur du commerce de détail, employant beaucoup de travailleurs et travailleuses que l’on peut considérer atypiques et souvent pauvres, et l’industrie du dépanneur est loin d’y faire exception. Le cas de la syndicalisation des dépanneurs Couche-Tard constitue donc un exemple des plus riches en apprentissages, en termes de défis que posent la mobilisation et l’organisation de travailleurs pauvres par des stratégies syndicales novatrices. La recherche présente de façon chronologique le déroulement de la campagne de syndicalisation entamée en 2011 par la CSN chez les dépanneurs Couche-Tard du Québec, la négociation d’une première convention collective et ses suites, puis la dernière campagne de syndicalisation et de renouvellement de convention à la fin de l’été 2016. En recourant principalement à des articles de journaux ainsi qu’aux informations recueillies lors d’entretiens avec des officiers syndicaux et des employés de l’entreprise, le rapport expose les différents enjeux pour l’organisation syndicale ainsi que les stratégies utilisées et les innovations développées par les institutions syndicales afin d’y faire face. Rivet-Préfontaine, Louis. Sous la direction de Yanick Noiseux. « Syndicalisme dans le secteur du commerce de détail et des dépanneurs : Étude exploratoire sur la syndicalisation des dépanneurs Couche-Tard au Québec », Cahiers du GIREPS, no. 9, Québec, 2017, 39 p., [en ligne] <https://www.gireps.org/wp-content/uploads/2017/08/Cahierno9-LRivet-Préfontaine.pdf>.

Cahiers du GIREPS

Louis Rivet-Préfontaine (sous la direction de Yanick Noiseux)

La néo-féodalisation du droit du travail agricole : Étude de cas sur les conditions de travail et de vie des travailleurs migrants à Saint-Rémi (points saillants)

*** Version abrégée *** Ce rapport a pour principal objectif de contribuer à documenter la réalité vécue par les quelques 10 000 travailleurs étrangers, des hommes mexicains et guatémaltèques dans l’immense majorité des cas, qui chaque année viennent au Québec produire et récolter les fruits et les légumes, « biologiques » ou non, que nous mangeons chaque jour. Ces travailleurs « étrangers » émigrent sans jamais avoir le droit—en vertu des programmes d’immigration auxquels ils sont soumis—d’obtenir la citoyenneté canadienne. Ils viennent au Québec avec des visas de courte durée, où ils restent la moitié de l’année, en moyenne. Pour la grande majorité d’entre eux, cela fait presque dix ans qu’ils participent à ces programmes « temporaires » et qu’ils font ces allers- retours ; certains en sont à leur 25e « saison ». Sélectionnés en tant qu’hommes, époux et pères de famille, ils laissent derrière eux leurs épouses et leurs enfants restés seuls dans les campagnes du Tiers-monde avec tout ce que cela implique en termes de division sexuelle du travail et de reproduction des inégalités de genre. Ils sont sélectionnés parmi les travailleurs pauvres et peu scolarisés, souvent autochtones et ils émigrent au Québec sans parler ni l’anglais ni le français et en n’ayant eu accès qu’à l’enseignement primaire dans la grande majorité des cas. Ces « travailleurs provisoires » atterrissent au printemps au Québec où ils sont logés jusqu’à l’automne dans des « logements provisoires », à proximité des fermes de leur employeur-bailleur-voisin. Isolés dans les campagnes québécoises, le plus souvent sans moyen de transport qui leur soit propre, sans famille et/ou de réseaux sociaux, ils sont alors « immobilisés » sur leur lieu de travail. En tant que travailleurs agricoles saisonniers, 10 heures par jour en moyenne, six jours sur sept le plus souvent, ils labourent, sarclent la terre, plantent les semis, courbent le dos, se mettent à plat ventre sur des planches en bois tirées par des tracteurs, pour cueillir, laver, empaqueter, charger dans les camions les salades, les concombres, les carottes, les oignions, le persil ou encore les fraises produites au Québec. Dans la quasi-totalité des cas, ils sont privés du droit de se syndiquer et ils quittent leur pays sans connaitre le nombre d’heures de travail qu’ils feront ni la durée de leur contrat. Ils ont tout au plus la garantie d’être payé au salaire minimum pour les heures travaillées (10,75$ de l’heure), sans aucune majoration pour les heures supplémentaires. Ils cotisent dans le même temps pour des services publics ou de mécanismes de protection sociale dont ils ne béné cient qu’exceptionnellement, ou pas du tout, comme en matière d’assurance emploi ou d’aide sociale. Travailleurs précaires et souvent endettés, cela signifie que chaque matin ils espèrent non seulement que leur employeur leur accordera un maximum d’heures de travail mais qu’ils seront également en mesure, physiquement et psychologiquement de les réaliser sous le soleil, la pluie et au rythme de travail imposé par leurs employeurs et les machines. « Travailleurs en sursis », ils exécutent les tâches qu’on leur ordonne, avec la crainte que leurs employeurs réduisent leurs heures de travail et/ou qu’ils ne les rappellent pas l’année suivante. « Travailleurs toujours disponibles », ils sont de cinq heures du matin à 22h—et plus si nécessaire—à l’entière disposition de leurs employeurs. Ce sont donc les conséquences humaines et sociales du régime juridique d’exception auxquels sont soumis ces travailleurs que ce rapport de recherche souhaite contribuer à documenter. Martin Gallié, Jeanne Ollivier-Gobeil et Caroline Brodeur. « La néo-féodalisation du droit du travail agricole : Étude de cas sur les conditions de travail et de vie des travailleurs migrants à Saint-Rémi (Québec) », Cahiers du GIREPS, no. 8, Québec, 2017, 16 p., [en ligne] <https://www.gireps.org/wp-content/uploads/2017/08/DroitTravail_PointsSaillants_-Online.pdf>.

Cahiers du GIREPS

Martin Gallié, Jeanne Ollivier-Gobeil, Caroline Brodeur

Les nouvelles frontières de la relation d’emploi

Deux membres du GIREPS, Martine D’Amours et Yanick Noiseux, en compagnie des chercheurs-euses Christian Papinot et Guylaine Vallée, ont assuré la direction du numéro « Les nouvelles frontières de la relation d’emploi » (2017) au sein de la revue Relations Industrielles et ont signé ensemble un article présentant les contributions de différentes chercheurs-euses dans ce numéro. Référence D’AMOURS, M., Y. NOISEUX, PAPINOT, C. et G. Vallée.  « Les nouvelles frontières de la relations d’emploi », Relations industrielles/Industrial Relations, vol. 72, no.3, pp. 409-420.  

Direction de numéro de revue, Ouvrages

Martine D'Amours et Yanick Noiseux

La défense des droits des travailleuses et travailleurs. Enjeux et défis d’une mobilisation collective à Montréal

Résumé L’article explore les enjeux de deux campagnes de mobilisation réalisées au Centre des travailleuses et travailleurs immigrants (CTI), auprès de personnes (1) immigrantes permanentes insérées en agence de placement et (2) migrantes temporaires. À partir de données collectées par participation observante et complétées par des entretiens semi-directifs, nous restituons une chronologie des deux actions collectives dont nous analysons les défis et les stratégies. Les résultats montrent que ces deux mobilisations constituent des réponses alternatives et complémentaires à des syndicats inopérants pour rejoindre la main-d’oeuvre précaire immigrante. Premièrement, le CTI offre les ressources humaines et matérielles nécessaires pour le développement du leadership des personnes qui deviennent sujet de droit et acteur de leur lutte. Cette dimension citoyenne semble d’ailleurs tout aussi importante pour les travailleurs que l’amélioration de leurs conditions matérielles de travail. De plus, les deux campagnes montrent une complémentarité entre la défense individuelle et collective de la main-d’oeuvre. D’autre part, les collaborations menées avec un syndicat révèlent un rapprochement stratégique entre deux organisations dont les ressources et les expertises sont complémentaires, renforçant aussi la légitimité du CTI. Cependant, l’engagement communautaire du syndicat reste marginal et produit des effets limités quant aux résultats des campagnes et à la possibilité de transformer profondément ses pratiques. Enfin, l’informalité des rapports de travail qui concernent les deux catégories d’immigrants, oblige à composer avec des moyens tout aussi informels pour appuyer leur organisation, rendant nécessaire le réseautage communautaire, religieux et culturel. Mots-clés : Travailleuses/travailleurs précaires, immigrants permanents, migrants temporaires, organisation communautaire,  défense collective, syndicats.

Articles scientifiques

Loïc MALHAIRE, Lucio CASTRACANI et Jill HANLEY

La défense des droits des travailleuses et travailleurs, enjeux et défis d’une mobilisation collective à Montréal

L’article explore les enjeux de deux campagnes de mobilisation réalisées au Centre des travailleuses et travailleurs immigrants (CTI), auprès de personnes (1) immigrantes permanentes insérées en agence de placement et (2) migrantes temporaires. À partir de données collectées par participation observante et complétées par des entretiens semidirectifs, nous restituons une chronologie des deux actions collectives dont nous analysons les défis et les stratégies. Les résultats montrent que ces deux mobilisations constituent des réponses alternatives et complémentaires à des syndicats inopérants pour rejoindre la maind’œuvre précaire immigrante. Premièrement, le CTI offre les ressources humaines et matérielles nécessaires pour le développement du leadership des personnes qui deviennent sujet de droit et acteur de leur lutte. Cette dimension citoyenne semble d’ailleurs tout aussi importante pour les travailleurs que l’amélioration de leurs conditions matérielles de travail. De plus, les deux campagnes montrent une complémentarité entre la défense individuelle et collective de la main-d’œuvre. D’autre part, les collaborations menées avec un syndicat révèlent un rapprochement stratégique entre deux organisations dont les ressources et les expertises sont complémentaires, renforçant aussi la légitimité du CTI. Cependant, l’engagement communautaire du syndicat reste marginal et produit des effets limités quant aux résultats des campagnes et à la possibilité de transformer profondément ses pratiques. Enfin, l’informalité des rapports de travail qui concernent les deux catégories d’immigrants, oblige à composer avec des moyens tout aussi informels pour appuyer leur organisation, rendant nécessaire le réseautage communautaire, religieux et culturel. Malhaire, Loïc, Lucio Castracani et Jill Hanley. « La défense des droits des travailleuses et travailleurs, enjeux et défis d’une mobilisation collective à Montréal », Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail (REMEST), vol. 11, no. 1, 2017, p. 32-59.

Articles scientifiques

Loïc Malhaire, Lucio Castracani, Jill Hanley