Cet article présente les méthodes, les analyses et les résultats de travaux de recherche portant sur la couverture médiatique de l’assistance sociale au Québec et sur les opinions des Québécois quant aux politiques d’assistance sociale et à leurs prestataires. Il discute des conclusions de recherche dans le contexte plus large des réformes des politiques d’assistance sociale au Québec. Il positionne de ce fait les activités de communication publique menées par des acteurs sociaux et politiques en lien étroit avec les rapports de force qui influencent les réformes apportées aux politiques sociales. Mots-clés : assistance sociale, politiques publiques, représentations médiatiques, opinion publique, Québec
This paper has looked at the evolution of attitudes toward welfare recipients and the impact of authoritarian dispositions on these attitudes in the context of the Covid-19 health crisis. We used two representative surveys, the first (n = 2,054) conducted in the summer of 2019 and the second (n = 2,060) in Quebec in June 2020, near the end of the first wave of the Covid-19 pandemic in the province. One thousand one hundred and seventy eight participants in the second survey had also participated in the first, allowing to analyze potential movement among many of the same individuals. Overall, while our results clearly indicated that authoritarian dispositions were associated with more negative views of welfare recipients, the pandemic does not appear to have affected the relationship between these attitudes and authoritarian traits. Additionally, we found no evidence that a direct measure of perceived threat moderated the relation between authoritarianism and attitude toward welfare recipients. Yet, we did find that, in the context of the pandemic, authoritarianism was associated with the attribution of lower deservingness scores to welfare recipients who were fit for work, suggesting that authoritarianism interacts with an important deservingness heuristic when evaluating who deserves to be helped.
Dans les 25 dernières années, la croissance de la précarité d’emploi s’est accentuée du Nord au Sud à un tel point que le travail n’est plus un rempart contre la pauvreté, mais constitue bien souvent le chemin qui y conduit. Si les marchés du travail et de l’emploi se sont profondément transformés, l’action publique a aussi joué un rôle ambivalent : d’un côté elle a facilité la précarisation de l’emploi en y adaptant les modes de régulation du travail, et de l’autre elle a structuré des régimes de protection sociale qui, lorsqu’ils existent, peinent à compenser les insuffisances de l’emploi précaire. À la suite de ces changements découlant de l’adoption de politiques néolibérales, les stratégies de résistance des travailleurs pauvres se sont adaptées. Alors que le syndicalisme est en déclin, leur identité collective se recompose autour de nouveaux types d’organisations et des formes novatrices d’action collective apparaissent en réponse aux transformations observées. Ce collectif, qui s’adresse tant aux universitaires qu’aux citoyens engagés dans des luttes sociales, présente un tour d’horizon empiriquement riche de la réalité contemporaine des travailleurs précaires qui, au Nord comme au Sud, sont confrontés au travail qui rend pauvre, mais qui, aussi, inventent de nouvelles manières d’y résister.
Ce numéro thématique consacré au « travail qui rend pauvre » s’est fixé pour objectif de faire le point sur l’apport de la recherche en matière d’action publique et de politiques sociales liées au travail précaire et sur les stratégies de résistance des travailleur.euse.s pauvres. Il se propose aussi d’alimenter la réflexion épistémologique sur ces enjeux, entre chercheur.e.s du Nord et du Sud global, dans la perspective d’une réorientation du regard porté sur les nouveaux paradigmes de l’action publique visant les travailleur.euse.s pauvres, mais aussi sur les résistances qui les remettent en question et qui sont souvent invisibilisées. Depuis maintenant plus de quarante ans, le glissement vers une politique économique néolibérale a marqué un saut qualitatif si important que l’aspiration à l’intégration complète et mondiale des travailleur.euse.s dans le salariat classique apparaissait désormais comme une « utopie à rebours ». Force est par ailleurs de constater que, dans la foulée de cette nouvelle « grande transformation », la fragmentation du travail et la flexibilisation des marchés de l’emploi – renforcées par la récurrence de périodes de crise et de reprise qui ne créent pas suffisamment d’emplois permanents à temps plein pour empêcher la progression des formes d’emplois atypiques et précaires au Nord et la prédominance des « emplois vulnérables » au Sud – ne peuvent plus être envisagées comme une donnée conjoncturelle. Elles doivent plutôt être entendues comme un trait marquant des nouvelles dynamiques de réorganisation du travail et de rerégulation de l’emploi. Comme le soutenait déjà Pierre Bourdieu au tournant du millénaire, ces transformations sont soutenues par une logique d’individualisation et de remarchandisation des relations de travail, de casualization croissante des contrats de travail et d’expansion des secteurs de l’économie informelle, avec pour conséquence la « destruction méthodique des collectifs » et l’aggravation de la vulnérabilité des travailleur.euse.s pauvres, tant sur le plan économique que sur celui des droits sociaux. Elles concourent également à accroître la segmentation des marchés du travail s’appuyant notamment sur une re-hiérarchisation des statuts d’emploi en fonction du genre, de l’âge, de l’origine ethnique et affectant plus largement les populations les plus vulnérables. Dans cette conjoncture, il apparaît que le travail ne peut plus être envisagé en soi comme un rempart face à la pauvreté. Cette dynamique s’est par ailleurs exacerbée dans la foulée de la révolution du numérique, et depuis la crise de 2008, avec l’essor de la « gig economy », ou économie de plateformes, caractérisée par le recours à des dispositifs algorithmiques d’incitatif au travail et de contrôle permanent, un morcellement des horaires à travers l’octroi de microtâches, la facilitation de la mise à disponibilité d’une « armée de réserve » de travailleur.euse.s précaires et « jetables ». La pandémie actuelle, poussant bon nombre de personnes vers ce que certains appellent la « hustle–economy », semble par ailleurs pousser encore plus loin la tendance à l’entreprisation de soi dans le capitalisme avancé. Les travaux des vingt dernières années portant sur les transformations et la remise en cause de l’État social insistent tous sur le parallélisme entre l’effritement du modèle salarial et le changement de paradigme dans le champ des politiques sociales. À la précarisation provoquée par la transformation des modalités de gestion de la main-d’oeuvre et les multiples réformes du droit du travail s’est ajouté un accroissement des modalités, du ciblage et des contrôles des prestations sociales (assurance-emploi, aide sociale, prestations familiales, « bolsa familia [bourse famille] », programme NREGA en Inde, etc.). Au Canada, l’exclusion partielle ou totale des mécanismes traditionnels de protection sociale des travailleur.euse.s migrants temporaires, mais aussi des travailleur.euse.s indépendants, d’agences, ou à temps partiel, …
Au printemps 2020, en contrepoint de ce qui a été appelé le « Grand confinement », des milliers de travailleur·euses·s ont continué à travailler quotidiennement à l’extérieur de leur domicile, s’exposant au risque de contracter la COVID-19, faisant souvent face à une hausse de leur charge de travail et devant composer avec les défis de conciliation travailfamille-études. Qualifié·e·s d’« essentiels », ces travailleur·euse·s et leurs emplois ont été au cœur de l’action publique ; ils et elles incarnent la tension entre la nécessité de répondre aux besoins vitaux de la population et celle de préserver du système économique capitaliste qui fut mise à l’épreuve par la pandémie. S’inscrivant dans le prolongement des réflexions sur le rôle de l’État dans la structuration des marchés du travail, ce rapport présente et analyse de manière croisée quatre études de cas portant sur des secteurs d’emploi qui furent particulièrement concernés par les enjeux de l’action publique dans le cadre de la première vague de la pandémie de COVID-19 : 1) le secteur des centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), 2) les organismes d’action communautaire autonome, 3) l’exploitation maraichère et 4) l’industrie de la construction. Ce rapport met en lumière le paradoxe d’un « Grand confinement » marqué, pour bon nombre de travailleur·euse·s au Québec, non pas par une « mise sur pause », mais plutôt par une injonction forte au travail soutenue par des mécanismes d’activation et d’incitation méthodiquement construits par l’intervention gouvernementale provinciale et fédérale. Impliquant des dispositifs qui, dans un double mouvement, incitent et contraignent la mobilité des travailleur·euse·s sur le marché du travail suivant des modalités de précarisation se déployant à l’intersection de rapports de genre, de race et de classe, ces interventions ont contribué au prolongement des divisions du travail et de leurs modalités d’exploitation, et ce, au sein même des « travailleur·euse·s essentiel·le·s ».
Les pratiques communicationnelles des organismes de lutte à la pauvreté sont peu documentées dans les écrits scientifiques. L’approche inductive a été préconisée dans une étude exploratoire qui porte sur ces pratiques, à travers le discours et les perceptions de responsables des communications au sein d’organismes communautaires militants contre la pauvreté. Cet article présente les étapes de la méthode employée : la problématique de départ, le choix du terrain, la sélection des participants, le processus de codage et d’analyse des données et la construction d’une arborescence de sept catégories signifiantes ayant émergé des entretiens individuels et de groupe. Au total, 22 responsables des communications travaillant au sein de 19 organismes répartis dans 7 régions administratives du Québec ont été rencontrés sur une période d’un an. L’analyse inductive a permis d’identifier leurs revendications, les facteurs contextuels facilitant la mobilisation des acteurs, les difficultés rencontrées sur le plan des communications, leurs objectifs, leurs stratégies, leurs moyens de communication et enfin, les publics auxquels ces organismes s’adressent. L’article se penche plus spécifiquement sur l’origine et la composition d’une catégorie centrale, « Difficultés rencontrées par les organismes », afin d’illustrer comment l’approche inductive a fait émerger sept sous-catégories qui relèvent de deux dimensions, l’une d’ordre structurel et l’autre d’ordre relationnel, et qui expliquent en partie pourquoi ces organismes peinent à occuper l’espace public et médiatique. Les raisons expliquant la difficulté à occuper cet espace n’auraient pu être identifiées sans le recours aux entrevues individuelles et de groupe. Mots-clés : Pratiques communicationnelles, pauvreté, approche inductive, entretiens individuels, entretiens de groupe, organismes communautaires
RÉSUMÉ Qu’en est-il du salaire minimum aujourd’hui et de la revendication d’une hausse à 15 $? Où en sont les campagnes menées au Québec par les organisations syndicales, les groupes d’action communautaire et les autres regroupements engagés sur ces enjeux ? Ce seuil de 15 $, devenu un objectif symbolique en Amérique du Nord, suscite des clivages tendus et plusieurs constats montrent que ces campagnes se heurtent non seulement à des résistances de la part des organisations patronales — leurs « adversaires naturels » — et du gouvernement, mais aussi, paradoxalement, à des réticences au sein même des effectifs des organisations syndicales et des groupes d’action communautaire, ainsi que dans des milieux du travail à bas salaires et non syndiqués. Ce rapport livre les résultats d’une recherche, sur ces questions, conjuguant deux volets. Le premier mobilise d’une part, une étude documentaire des enjeux et des impacts appréhendés d’un salaire minimum à 15 $ et d’autre part, une analyse comparative critique des « campagnes pour le 15 $» aux États-Unis et au Canada avec celles menées au Québec afin de mettre en contexte le deuxième volet : une enquête de terrain. Cette dernière vise à identifier les facteurs à la base de ces réticences, sur deux niveaux : d’abord, les collectifs et les profils de travailleur-euse-s où elles se manifestent afin d’en déterminer la nature; ensuite, les structures mêmes des organisations syndicales et des groupes communautaires pour caractériser les obstacles endogènes auxquels ces campagnes font parfois face. Cette recherche partenariale et qualitative mobilise des phases d’observation directe et participante ainsi que des entretiens individuels et de groupe auprès d’organisations syndicales, de groupes communautaires et de travailleur-euse-s directement concerné-e-s par cette hausse du salaire minimum. Ses deux objectifs sont, premièrement d’étudier les impacts qualitatifs d’une telle hausse sur les travailleur-euse-s dont la rémunération est comprise entre 15 $ et 19 $/h — une catégorie où se manifestent justement une partie des réticences observées (travailleur-euse-s syndiqués, indépendants, en PME, immigrants, etc.) – deuxièmement d’analyser les interactions entre les organisations syndicales et non syndicales (groupes communautaires et autres) sur ces enjeux, dans le contexte des différentes campagnes menées en coalition ou séparément. Certains résultats montrent que la cohésion de ces campagnes paraît fragilisée par deux types d’obstacles. Le premier, porte, d’une part, sur les interactions intrasyndicales, entre centrales, syndicats affiliés et syndicats locaux et d’autre part, sur les relations entre les groupes communautaires représentant des catégories diverses : professionnelles, communautaires, travailleur-se-s non-syndiqué-e-s, femmes, immigrants, etc. Le deuxième type d’obstacles concerne les relations externes : d’abord, « l’alliance naturelle» censée renforcer la collaboration entre organisations syndicales et groupes communautaires se heurte à des obstacles allant de l’initiative de « faire cavalier seul » de certains acteurs, aux dissidences à des moments décisifs de la campagne; il y a ensuite les relations extérieures, problématiques ou lacunaires, entretenues — ou non — par les organisations syndicales et les groupes communautaires avec les autres acteurs de la société civile : les organisations patronales, les médias et, surtout… avec l’État. Mots-clés: Salaire minimum, campagnes 15 $, action collective, syndicalisme, groupes communautaires.
Tenue le 21 décembre 2020, cette journée de réflexion a eu pour objectif de clarifier le contenu du projet de loi 59 ainsi que de discuter de plusieurs enjeux qu’il soulève. Il ressort, dans l’ensemble, deux constats principaux, à savoir un certain progrès de la prévention et un recul pour l’indemnisation. Des enjeux plus spécifiques se posent pour certaines catégories de travailleur·euse·s, soit les non-syndiqué·e·s et les travailleur·euse·s aux statuts atypiques. Face à ce projet de loi, les organisations de travailleur·euse·s n’étaient pour l’heure pas clairement positionnées et les possibilités de mobilisation demeuraient incertaines. Animateur : Cheolki Yoon (Université de Montréal) Présentatrice : Geneviève Baril-Gingras (Université Laval) Acteurs de terrain présents à la discussion : Félix Lapan (UTTAM), David Mandel (CTI), Sébastien Paquette (CQSU-AFPC-Québec)
C’est la question que pose la 5e et dernière vignette inspirée de la recherche sur les conditions de travail dans le mouvement de l’action communautaire autonome, réalisée par le Gireps en partenariat avec le Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA), la Fafmrq Quebec, Comité sectoriel de main-d’oeuvre – Économie sociale / action communautaire et Au bas de l’échelle. Vignettes à télécharger et partager : Vignette 1 – Saviez-vous qu’une personne qui travaille dans le communautaire Vignette 2 – Endosser la pauvreté pour la combattre? Vignette 3 – Améliorer les conditions de travail au détriment des services? Vignette 4 – Au-delà de la vocation! Vignette 5 – Multiplication des statuts d’emploi dans le communautaire Ce rapport de recherche présente les résultats d’une recherche partenariale menée par le GIREPS et quatre organismes partenaires: le Réseau Québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA); la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ), le Comité sectoriel de main d’oeuvre Économie sociale Action communautaire (CSMO-ESAC) et Au Bas de l’échelle. Cette recherche comporte deux volets. Le premier volet trace le portrait des conditions de travail dans le mouvement de l’action communautaire autonome et vise à répondre à la question de recherche suivante : par-delà les quelques données statistiques dont nous disposons, quelles sont les conditions de travail et de vie des travailleurs et travailleuses de l’action communautaire autonome et quelles conséquences ont-elles sur leur vie quotidienne ? Le second volet interroge quant à lui les conditions de travail à partir des stratégies de gestion mises en place par les personnes occupant des postes de direction et d’administration et répond à la question suivante : quelles sont les pratiques de gestion conditionnant l’expérience du travail dans le secteur de l’action communautaire autonome et comment ces dernières ont-elles évolué au cours des dernières années ? Cette recherche aborde notamment les enjeux suivants: la précarité des conditions de travail, la multiplication des statuts d’emploi, la flexibilité et l’autonomie au travail ainsi que le rapport à la vocation et l’attachement aux valeurs et aux pratiques du mouvement de l’action communautaire autonome. LA VIDÉO DU WEBINAIRE OÙ SE FAIT LA PRÉSENTATION DE LA RECHERCHE EST SUR CE LIEN FACEBOOK Le rapport de recherche est également disponible sur le site de nos partenaires: RQ-ACA: www.rq-aca.org FAFMRQ: www.fafmrq.org CSMO-ESAC: https://www.csmoesac.qc.ca/ Au Bas de l’échelle: www.aubasdelechelle.ca
Auteur(s)
Mylène Fauvel, Yanick Noiseux, Léa Coget (Collaboratrices: L. Binhas, L. Desjardins, C. Métivier)