Comment saisir la portée des mobilisations des travailleurs informels et précaires ? Une approche féministe matérialiste appliquée à l’économie solidaire brésilienne

Afin de saisir la portée des mobilisations de travailleuses et travailleurs informels qui s’amplifient depuis une trentaine d’années, cet article défend de rompre avec les cadres d’analyse traditionnels pour adopter une approche féministe matérialiste. Celle-ci est appliquée au cas de l’économie solidaire brésilienne. Elle permet de mettre en évidence les transformations du rapport au travail et leur portée émancipatrice: en reliant choix de production et satisfaction des besoins sociaux, les mobilisations dans l’économie solidaire redessinent les termes d’un compromis social applicable à toutes et tous les travailleurs. Yerochewski, Carole, « Comment saisir la portée des mobilisations des travailleurs informels et précaires ? Une approche féministe matérialiste appliquée à l’économie solidaire brésilienne », Relations Industrielles / Industrial Relations, vol. 73, no. 3, été 2018, p. 517-540

Articles scientifiques

Carole Yerochewski

Prendre en compte les femmes à bas salaires et racisées

Il fut une époque où rassembler les termes « femmes » et « syndicalisme » constituait tout un  programme de luttes… Mais si les femmes sont à présent aussi nombreuses que les hommes sur le marché du travail et dans les syndicats, les structures de domination sont restées et les inégalités entre femmes se sont accrues. Les femmes sans diplôme et les femmes racisées sont les grandes perdantes de la non-prise en compte du caractère intersectionnel des dominations. Yerochewski, Carole. « Prendre en compte les femmes à bas salaires et racisées », Nouveaux Cahiers du socialisme, no. 19, hiver 2018.

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Carole Yerochewski

Quand le droit conforte les stratégies syndicales reproduisant les arrangements institutionnels sources de discrimination systémique

Cet article présente un cas de mobilisation contre les discriminations systémiques envers des travailleuses procurant des services d’assistance aux personnes (en anglais, care-workers), en grande majorité Noires et Haïtiennes, qui occupent des emplois aux normes dégradées dans des agences de placement fournissant du personnel pour un seul organisme parapublic. À l’intersection des mutations en cours dans la gestion de la main-d’oeuvre et de la réorganisation de la prise en charge des services d’assistance aux personnes, ce cas est représentatif de la façon dont se redessinent les frontières de la relation d’emploi. Les travailleuses mobilisées étant syndiquées, il permet aussi d’explorer un éventail d’attitudes syndicales.Une stratégie syndicale prédomine : elle consiste à défendre ou gérer la négociation collective institutionnalisée. Elle est encouragée par un ensemble d’institutions qui produisent des constructions contradictoires des enjeux d’égalité et du problème des discriminations. Si ces arrangements institutionnels ouvrent une brèche aux « innovations » patronales et confortent l’adoption de stratégies syndicales visant à préserver la relation bilatérale d’emploi, cet article soutient que cette stratégie est aussi symptomatique de la vision moniste avec laquelle les syndicats abordent l’effritement du modèle dominant de la relation d’emploi, en le réduisant aux conflits d’intérêts entre employeurs et travailleurs. Or, cet effritement est aussi le résultat des réorganisations mutuelles et réciproques des différentes formes sociales de division du travail entre classes, sexes et races. Mais en ne s’interrogeant pas sur ce qui a fondé le compromis de la société salariale, soit la minoration ou l’exclusion de groupes de populations de la norme d’emploi à temps plein et permanent, les syndicats accordent la priorité à des stratégies qui participent, comme l’illustre le cas choisi, si ce n’est à la création de normes discriminatoires, du moins, à la légitimation de frontières entre ceux qui ont accès à des emplois de qualité et les autres. Yerochewski, Carole et Diane Gagné. « Quand le droit conforte les stratégies syndicales reproduisant les arrangements institutionnels sources de discrimination systémique », Relations industrielles, vol. 72, no. 3, été 2017, p. 551–573.

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Carole Yerochewski, Diane Gagné

L’informalisation du recours à la protection sociale au Canada : le cas des réformes de l’assurance-chômage et du nouveau Tribunal de la sécurité sociale

En dégradant l’« emploi convenable » que devaient accepter les prestataires « fréquents », la réforme de l’assurance-chômage intervenue en 2012-2013 a suscité de vives réactions, notamment parce qu’elle mettait fin au caractère redistributif de l’assurance-chômage envers les régions marquées par des activités saisonnières. La réforme parallèle des procédures de contestation et d’appel des décisions d’admissibilité, qui a donné lieu à la création du Tribunal de la sécurité sociale, a été moins commentée. Elle a pourtant abouti à une informalisation des possibilités de recours au droit social. Si une telle réforme s’inscrit dans le caractère autoritaire de l’action du gouvernement Harper, au pouvoir jusqu’en 2015, le propos de cet article consiste cependant à souligner la compatibilité de ces réformes avec le nouveau paradigme guidant, dans les pays industrialisés, les réformes de l’État-providence et remettant en cause la notion de droit social (Siegel, 2004). Le processus d’informalisation du droit social apparait dans ce contexte résulter tant de la mise en oeuvre de procédures arbitraires que de l’invisibilisation de ce processus, faute d’être défini comme un problème public. Yerochewski, Carole et Hans Marotte. « L’informalisation du recours à la protection sociale au Canada : le cas des réformes de l’assurance-chômage et du nouveau Tribunal de la sécurité sociale », Lien social et Politiques, no. 76, 2016, p. 137–155.

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Carole Yerochewski, Hans Marotte

Travail et informalité : Nouvelles figures de l’exploitation et des mobilisations au Nord et au Sud

Après plus de trente ans de mutations du travail et de l’emploi, qui se traduisent par une remontée du travail informel, y com – pris dans les pays industrialisés, doit-on encore parler de crise de la société salariale ? Est-ce que les métamorphoses de la question sociale, pour reprendre l’expression de Robert Castel, ne nous indiqueraient pas plutôt qu’il faille ajuster la focale d’observation et d’analyse ? En regroupant sous la catégorie d’informels les travailleurs atypiques, indépendants, à domicile, les précaires (sur)vivant de petits boulots, ce numéro s’inscrit volontairement dans les controverses sur la façon de caractériser le travail informel, tout en s’en démarquant. Le travail informel ne peut être considéré comme une sphère autonome de l’éco – nomie formelle. Activités informelles et formelles sont résolument imbriquées. On met ici l’accent sur les réalités expérimentées par les travailleuses et travailleurs informels et sur ce que leurs mobilisations apportent au renouvellement des perspectives théoriques, souvent (ethno)centrées sur la société salariale au Nord, en examinant leurs aspirations et leurs pratiques sociales. Car ces travailleuses et travail – leurs contestent l’ordre social sous de multiples aspects. En outre, les femmes, majoritaires dans le travail informel, y jouent un rôle important. C’est ce qu’illustrent les articles de ce numéro regroupés sous deux axes en mettant l’accent d’un côté sur les résistances, les contraintes institutionnelles et les adaptations et, de l’autre, sur les mobilisations. Yerochewski, Carole et Yanick Noiseux (dir.), Sociologie et sociétés, vol. 47, no. 1, printemps 2015.

Direction de numéro de revue

Carole Yerochewski, Yanick Noiseux

Non qualifiés les travailleurs pauvres ? Pour une analyse en termes de rapports sociaux de la qualification et de la pauvreté en emploi

Des travailleuses et des travailleurs pauvres, mais des emplois mobilisant des qualifications. La permanence du phénomène de non-qualification. La globalisation financière, la recomposition de la division du travail et la transformation du rôle des États. Conclusion Yerochewski, Carole, Elsa Galerand, Frédéric Lesemann, Yanick Noiseux, Sid Ahmed Soussi et Lise St-Germain. « Non qualifiés les travailleurs pauvres ? Pour une analyse en termes de rapports sociaux de la qualification et de la pauvreté en emploi », dans Amine, Samir (dir.), La crise des emplois non qualifiés, Montréal, Presses Internationales Polytechnique, 2015, p.125-163.

Chapitre de Livre

Carole Yerochewski, Elsa Galerand, Frédéric Lesemann, Yanick Noiseux, Sid Ahmed Soussi, Lise St-Germain

Controverses sur la réactualisation du travail informel au Brésil : l’impact des mobilisations dans l’économie solidaire sur les conceptions du changement social et les stratégies syndicales et politiques

Rassemblant au Brésil toute une partie des travailleurs informels, l’économie solidaire est un sujet controversé parmi les acteurs syndicaux et politiques. Est-elle un lieu d’insertion des travailleurs, et (surtout) travailleuses, pauvres ou informels qui sont rejetés par un marché nécessairement compétitif ? Ou les différentes mobilisations, et certaines des pratiques autogestionnaires de ces travailleurs dits marginalisés, constituent-elles des luttes pour l’égalité et la justice sociale qui dépassent les revendications (en termes de salaires, de durée du travail, etc.) issues du compromis de la société salariale — compromis qui n’a jamais eu vocation à couvrir plus qu’une minorité de travailleurs dans le monde ? Étayé par des entretiens approfondis menés auprès de responsables communautaires, syndicaux et politiques impliqués dans l’économie solidaire au Brésil, l’article met ainsi en lumière les relations entre leurs choix stratégiques et les façons d’analyser le problème de la remontée du travail informel. Les controverses suscitées sont révélatrices de conceptions plus globales sur l’économie et la place des mobilisations de travailleurs dans le changement social. Yerochewski, Carole. « Controverses sur la réactualisation du travail informel au Brésil : l’impact des mobilisations dans l’économie solidaire sur les conceptions du changement social et les stratégies syndicales et politiques », Sociologie et sociétés, vol. 47, no. 1, printemps 2015, p. 201-224.

Articles scientifiques

Carole Yerochewski

Quand travailler enferme dans la pauvreté et la précarité

Travailler ne met plus à l’abri de la pauvreté et peut enfermer dans la précarité. Car la société salariale est affaiblie par les transformations des interventions entrepreneuriales et étatiques. De plus en plus de travailleurs et surtout de travailleuses n’ont plus accès aux protections collectives et sociales qui leur donnaient un appui pour mener des projets professionnels et de vie. L’heure est à la remarchandisation du travail. Pour étayer le phénomène de la pauvreté en emploi et en mesurer l’ampleur au Québec, l’ouvrage propose de nouvelles constructions statistiques qui reposent sur une définition extensive de la notion de travailleur. Le choix de cette définition se trouve justifié par les travaux de recherche menés par les membres du Groupe de recherches interdisciplinaires sur l’emploi, la pauvreté et la protection sociale (GIREPS). Elle s’accorde avec le caractère multidimensionnel de la pauvreté en emploi. Yerochewski, Carole. Quand travailler enferme dans la pauvreté et la précarité, Montréal, Presses de l’Université du Québec, 2014, 214 p.

Ouvrages

Carole Yerochewski

Économie solidaire au Brésil et au Québec : la place et le rôle des travailleurs informels, à bas salaires ou atypiques, et le positionnement des syndicats

L’emploi se transforme. Auparavant relativement stable, il devient de plus en plus précaire, flexible, temporaire. Dans cette vaste transformation, les entreprises autant que l’État -modifient leurs modes d’opération et leur rôle. Compétitivité et productivité sont autant de mots-clés faisant partie du vocabulaire des dirigeants politiques et économiques. Mais à quelles conditions et à quels coûts pour les travailleurs ? Hélas, l’emploi ne permet souvent plus de garantir un niveau de revenu suffisant pour ne pas être pauvre. Yerochewski, Carole. « Économie solidaire au Brésil et au Québec : la place et le rôle des travailleurs informels, à bas salaires ou atypiques, et le positionnement des syndicats », dans Ulysse, Pierre-Joseph, Frédéric Lesemann et Fernando J. Pires de Sousa (dir.), Les travailleurs pauvres, Précarisation du marché du travail, érosion des protections sociales, et initiatives citoyennes. Un dialogue Québec-Brésil, Québec, Presses de l’Université du Québec, p. 157-178.

Chapitre de Livre

Carole Yerochewski